Cette année encore, Lucille Desjonquères, présidente de l’association IWF France et engagée dans la cause des femmes depuis plus de 20 ans, a réuni plusieurs milliers de visiteurs à l’occasion de la 5e édition des Assises de la Parité, qui s’est déroulée le 24 juin. Un évènement incontournable alors que la parité des entreprises françaises progresse bien trop lentement.
En 2024, Les Assises de la Parité ont fêté leur 5e anniversaire. Comment cet évènement est-il né ?
Quelques mois après la promulgation de la loi Copé-Zimmermann relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d’administration et de surveillance, j’ai créé, au sein de mon cabinet de chasse de tête, un département dédié aux femmes. L’objectif était d’aider les entreprises à identifier les femmes « sous le plafond de verre », susceptibles de prendre des mandats d’administratrices au sein de leurs instances de gouvernance. En 2016, 1000 femmes étaient déjà présentes dans notre base de données. Le réseau américain International Women’s Forum (IWF), qui rassemble 8000 femmes influentes, a entendu parler de cette initiative et m’a contacté. Je suis devenue la présidente de l’association pour la France et j’ai choisi de mettre l’accent sur la féminisation des instances de gouvernance et de Comex. Avec ce réseau, j’ai alors créé les Assises de la Parité pour faire avancer la parité au sein des entreprises. Au fil des années, j’ai choisi d’aller au-delà du seul sujet de la parité et d’aborder d’autres thématiques liées à l’égalité professionnelle.
Comment voyez-vous les mentalités évoluer en entreprise sur le sujet de la parité ?
Ce qui est certain, c’est que les lignes ont bougé, notamment au sein des entreprises du SBF 120. Des rééquilibrages sont opérés dans les COMEX, les DRH attendent désormais des short list paritaires… Pour autant, cela prend du temps (on partait de loin !) et cela évolue au forceps ! Aujourd’hui, les entreprises s’y intéressent avant tout car elles sont confrontées à des contraintes légales : les quotas bien sûr, mais aussi le rapport extra-financier, la Directive sur les rapports de développement durable des entreprises (CSRD)… Finalement, nous en sommes encore au stade où les entreprises doivent conscientiser le sujet, où nous devons mettre en avant la performance apportée par la parité. Tous les hommes ne sont pas prêts : certains sont convaincus de la complémentarité des hommes et des femmes en entreprise tandis que d’autres sont freinés par leurs biais. Heureusement, la nouvelle génération de travailleurs – les « Z » – accélèrent ces changements de comportements. Ils challengent plus que leurs aînés les entreprises en matière de parité, et plus globalement de RSE.
Une femme dans les sphères dirigeantes, ça effraie encore ?
Oui ! Elles effraient les hommes, qui ont, à juste titre, peur de perdre leur poste. Toutefois, là aussi, les représentations changent. Durant l’après-guerre, les femmes qui réussissaient à s’imposer dans un monde d’hommes finissaient par leur ressembler. Celles qui occupaient des postes de pouvoir étaient vues comme des femmes dures et terrifiantes. Aujourd’hui, leur image s’est radoucie. Les femmes cadres fédèrent autour d’elles et il y a davantage de solidarité entre elles. Le mot d’ordre est sororité. L’émergence des « rôles modèles » au sein des entreprises favorise également cette tendance. Il faudrait qu’il y en ait davantage non pas parmi les femmes « stars » comme Marie Curie, mais parmi les femmes ayant des carrières plus classiques, auxquelles il est facile de s’identifier. Il est également grand temps de voir « des femmes modèles » qui exercent des métiers dits « masculins », par exemple dans les sciences, l’industrie… De la même manière, mettre en place des dispositifs de mentoring croisé entre les hommes et les femmes peut permettre de changer les mentalités en entreprise.
Cette année, l’une des thématiques abordées au cours des Assises de la Parité portait sur la parentalité. Avoir des enfants, est-ce un frein à la parité ?
Plus aujourd’hui car le sujet de la parentalité appartient également aux hommes. Rappelons qu’en France, quasiment un mariage sur deux se termine en divorce. Il y a donc un nombre croissant d’hommes à s’occuper de leurs enfants de manière alternée. Eux non plus n’ont pas envie de démarrer des réunions le soir à 18h ! Encore moins les jeunes générations de travailleurs, qui tiennent à l’équilibre entre leur vie personnelle et professionnelle. Les entreprises sont d’ailleurs de plus en plus impliquées sur la parentalité : certaines réfléchissent à la semaine de 4 jours, proposent des facilités de garde, s’entourent de conciergeries, sensibilisent leurs managers… Mais, quel que soit le sujet, l’égalité professionnelle passera inévitablement par le coaching des femmes. Leurs biais sont encore leurs propres ennemis. Elles sont nombreuses à ne pas avoir confiance en elles, à ne pas oser réclamer de promotion ou d’augmentation salariale, à souffrir du syndrome de l’imposteur, à toujours vouloir apporter des preuves de leur valeur… Il est temps qu’elles apprennent à développer leur autorité.
Parité : le seuil des 30 % dans les Comex bientôt atteint !
Même si la route est encore longue, la féminisation des instances dirigeantes progresse au sein des grandes entreprises françaises. Les Comex du CAC40 dénombrent 27,4 % de femmes tandis que ceux du SBF120 en comptent 27,3 %. Pour atteindre le premier seuil de la loi Rixain – c’est-à-dire 30 % de femmes parmi les cadres dirigeants et les instances dirigeantes – il reste entre 41 et 53 femmes à nommer dans le CAC 40 et entre 116 et 152 femmes dans le SBF 120.
Source : Baromètre 2024 d’IFA – Ethics & Boards
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