« Les entreprises se préoccupent davantage de la santé mentale de leurs salariés » 

Élevée au rang de « Grande Cause Nationale pour 2025 » par l’ex-premier ministre Michel Barnier, la santé mentale – notamment des salariés – est un sujet de préoccupation pour les entreprises travaillant leur inclusion. Le contexte économique et social actuel leur impose une vigilance accrue face aux risques psychosociaux. L’éclairage de Sandrine Lévy-Amon, psychologue qui intervient au sein de Stimulus, un cabinet spécialisé dans la qualité de vie au travail.  

Santé mentale au travail : les chiffres qui doivent alerter  

  • 42 % des salariés français se disent en détresse psychologique modérée ou élevée,  
  • 55 % des salariés français se disent stressés, dont la moitié à cause de leur travail, 
  • 20 % des Français déclarent avoir eu besoin d’une aide psychologique depuis a crise du Covid-19, 
  • 3000 euros  : c’est le coût, par an et par salarié, engendré par les problèmes liés à la santé mentale. 

Sources : Empreinte Humaine, Teale, Deloitte, DREES. 

Les entreprises s’emparent-elles du sujet de la santé mentale de leurs salariés ?  

Depuis la crise du Covid-19, qui a mis en exergue le fait que les salariés avaient tous un rapport différent au travail, les entreprises – notamment les plus grandes – se préoccupent davantage de la santé mentale de leurs collaborateurs. Lorsque les équipes étaient à distance, les DRH ont dû s’intéresser à la manière dont elles travaillaient, donc à leur qualité de vie. La pandémie a, en quelque sorte, obligé ces entreprises à être plus attentives à la santé mentale de leurs salariés. C’est d’autant plus vrai dans celles où les collectifs de travail se sont dégradés, où l’ambiance s’est tendue pendant cette période durant laquelle les soutiens physiques entre collègues se sont forcément réduits.  

Les managers ont-ils un rôle décisif sur le sujet ?  

Oui ! Depuis la crise du Covid-19, les grandes entreprises s’appuient d’ailleurs beaucoup sur leurs managers de proximité, du fait de leur position stratégique, au plus près des collaborateurs. Elles leur donnent notamment pour mission d’identifier les salariés en difficulté, de mieux repérer les risques psychosociaux, d’être inclusifs… Malheureusement, ils sont insuffisamment formés au sujet de la santé mentale. Nous voyons toutefois un nombre croissant d’entreprises les sensibiliser à l’un des piliers du management : le feedback. C’est un cadeau que les managers peuvent faire à leur collaborateur. C’est un acte de reconnaissance qui participe directement à la santé mentale au travail. 

Quels sont les signes d’un problème de santé mentale que ces managers doivent reconnaître ?  

Le signe avant-coureur est souvent une baisse de motivation, qui est souvent liée à la perte de sens du salarié envers son travail. Cette baisse de motivation peut causer de l’usure professionnelle et de la fatigue. De la même manière, un individu qui n’est pas inclus dans un groupe, qui manque de cohésion avec son équipe est un signe à surveiller car il peut signifier un problème de santé mentale. Une fatigue chronique de la part d’un salarié – à condition que celui-ci l’exprime – est également un signal faible. Tout comme une perte de confiance en soi, du fait d’une transformation de l’entreprise, de l’instauration de nouveaux outils, de l’attribution de missions complexes…  

Les dirigeants ont, eux aussi, une santé mentale fragile ! 

Confrontés à une succession de crises – le Covid-19, l’inflation… – les dirigeants d’entreprise évoluent dans un environnement où la pression est la norme. Ce poids entraîne des répercussions sur leur santé mentale. 75 % des dirigeants ressentent des symptômes de stress au moins une fois par semaine, d’après une étude de l’Institut Choiseul. Les décideurs identifient les facteurs d’anxiété suivants : une lourde charge de travail (62 %), la gestion RH (51 %), la pression des résultats financiers (43 %).  

Quels dispositifs efficaces permettent aux entreprises de préserver la santé mentale des équipes ?  

D’abord, il est important d’avoir une bonne coopération entre les équipes RH et managériales, c’est-à-dire qu’elles parlent le même langage, qu’elles sachent s’entraider lorsqu’il s’agit d’identifier les sources de stress des salariés… Cela suppose d’être proche du terrain et d’être formé pour le faire. Ensuite, mener des diagnostics réguliers est la clé pour piloter son activité. Ils permettent aux entreprises d’identifier, le plus en amont possible, les sources de stress de leurs salariés, notamment en période de transformation ou de réduction d’effectifs. C’est également une excellente manière d’aborder le sujet de la charge de travail, qui s’intensifie toujours pendant ces périodes.  

Que faire lorsque la santé mentale des équipes est déjà dégradée ? Est-ce trop tard pour agir ?  

Lorsqu’on est dans la phase de correction – et non plus de prévention – ce sont des actions soutenantes qu’il faut déployer. Par exemple : des lignes de soutien psychologique, des permanences de soutien psychologique sur site, des accompagnements individuels par des psychologues spécialisés… Pour autant, lorsque le collectif de travail est en colère et ressent un sentiment de défiance vis-à-vis de sa direction, ces dispositifs ne fonctionnent pas. Dans ce cas, il y a eu un manque d’attention de la part de l’entreprise et le mal est fait. Elles peuvent toutefois essayer de lancer des actions correctives, par exemple communiquer de manière plus authentique, avec les bonnes informations, sans nier les difficultés de l’entreprise, au risque de perdre définitivement la confiance de leurs salariés.  

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