« Nos Quartiers ont des Talents » favorise l’insertion des jeunes diplômés issus de milieux modestes  

Engagée en faveur de l’égalité des chances depuis son lancement en 2005 en Seine-Saint-Denis, l’association « Nos Quartiers ont des Talents » accompagne, via des actions de mentorat, des jeunes diplômés issus de milieux modestes. Plus de 1000 entreprises et 15 000 parrains et marraines ont déjà répondu à l’appel de Yazid Chir, le fondateur de l’association. 

Comment est née l’association « Nos quartiers ont des Talents » ? 

Yazid Chir

En 2005, alors que j’étais président du Medef en Seine-Saint-Denis, j’ai rencontré un jeu français d’origine centrafricaine qui était titulaire de deux masters. Comme il ne trouvait aucun emploi à la hauteur de ses compétences, il cachait ses diplômes pour postuler à des jobs alimentaires. En parallèle, toujours en 2005, juste avant les émeutes dans les banlieues, plusieurs entreprises délocalisaient leurs sièges sociaux et les installaient en Seine-Saint-Denis. Or, le meilleur moyen pour que celles-ci s’ancrent durablement dans notre territoire était qu’elles puissent recruter localement. J’ai donc créé un projet pilote avec une trentaine d’entreprises dont L’Oréal, Manpower, Cetelem, Alstom, l’Afnor… L’enjeu était de les aider à recruter des talents dans les quartiers où elles étaient nouvellement implantées et d’en faire des ambassadeurs. Puisque ces entreprises étaient essentiellement issues du secteur tertiaire, elles proposaient des postes de cadres. 

Quelles difficultés ces entreprises ont-elles rencontré ?  

Les entreprises avaient envie de jouer le jeu. Pour autant, elles ne parvenaient pas à identifier les talents issus des quartiers et nous avions besoin de 200 jeunes pour lancer notre projet pilote. Grâce à l’intervention d’un préfet qui venait tout juste de prendre ses fonctions, nous avons mobilisé France Travail (qui s’appelait alors l’ANPE) avec pour critères de sourcer des jeunes titulaires d’un Bac+3 minimum et résidant en Seine-Saint-Denis. Ce projet a, une fois de plus, été porté par un contexte favorable : le gouvernement venait de publier une étude réalisée par l’Observatoire des inégalités sur les discriminations envers les jeunes « haut diplômés » de Seine-Saint-Denis. Celle-ci concluait qu’ils avaient 5 fois moins de chance de trouver un job du fait de leur patronyme, leur adresse et leur origine sociale. Suite à cette étude, les entreprises partenaires se sont donc engagées à recevoir en entretien tous les candidats, sans exception, qui répondaient aux critères de l’annonce. 

De ce projet pilote est né votre dispositif de parrainage… Quels résultats ont été atteints ? 

Si nous avons d’emblée pensé au parrainage, c’est parce que nous avons constaté que les jeunes issus des quartiers se sous-estimaient. Avant qu’ils soient reçus en entretien par les entreprises, nous avons donc décidé de les mentorer, c’est-à-dire de leur affecter un parrain. En plus d’ouvrir leur réseau, ces derniers avaient pour rôle d’aider ces jeunes à reprendre confiance en eux. Finalement, 60 % des 200 talents accompagnés au cours du projet pilote ont trouvé un poste à la hauteur de leur niveau de diplôme, en 6 mois. En 2006, pour dupliquer ce modèle, nous avons donc créé l’association « Nos Quartiers ont des Talents ». Depuis sa création, 100 000 jeunes ont été accompagnés par 15 000 mentors. En octroyant 2 à 3 heures de leur temps par mois pendant 6 mois, ces bénévoles peuvent changer la trajectoire professionnelle de ces pépites qui, du fait de leur parcours, développent des compétences de résilience et de détermination qui sont précieuses pour les entreprises.   

Qui sont les mentors au sein des entreprises partenaires ?  

Nos mentors sont généralement des professionnels en activité – majoritairement des cadres (à 70 %) – qui disposent de plusieurs années d’expérience. Ils sont bénévoles : participer à ce projet est donc un engagement social et une démarche citoyenne. Ils en retirent beaucoup de choses. Être mentor, c’est extrêmement riche. Cela permet de donner beaucoup de sens à son quotidien professionnel. D’ailleurs, nos parrains le restent pendant 10 ans en moyenne. Ce qui les engagent, c’est le fait de sauver des vies. Je pèse mes mots : nous avons des témoignages de jeunes comme celui de Wilfried Mahouto qui sont bouleversants ! Il est aujourd’hui directeur d’une agence BNP Paribas et, à son tour, un mentor. Pour valoriser l’engagement de nos mentors et plus largement des entreprises partenaires, nous prévoyons de créer, début 2025, un crédit d’impact social. En l’occurrence une cryptomonnaie sociale, qui serait attribuée à chaque mentor, et qui pourra être transformée en équivalent euros.  

Alors que les entreprises rencontrent des difficultés croissantes pour pourvoir leur poste, prévoyez-vous d’ouvrir votre système de parrainage à d’autres cibles que les jeunes issus des quartiers ?  

En 2023, nous avons accompagné 16 000 jeunes dans toute la France. Or, actuellement, 120 000 jeunes sont inscrits à France Travail et correspondent à nos critères : avoir moins de 30 ans, être titulaire d’un Bac+3 minimum, résider dans un quartier prioritaire de la ville ou avoir des parents qui y résident… Le « marché » des jeunes talents issus des quartiers est donc loin d’être épuisé ! À horizon 2030, une étude de Korn Ferry indique qu’1,5 millions de talents très qualifiés pourraient manquer, rien qu’en France. C’est d’ailleurs le pays où le « skill gap » est le plus important. Notre association, qui est composée d’une équipe de 130 personnes, a donc encore fort à faire sur cette cible. Pour sensibiliser ces jeunes issus de milieux modestes, nous intervenons également dans une cinquantaine d’universités publiques. Nous les encourageons à s’orienter vers les filières qui offrent des débouchés, à choisir les Masters « gagnants » et à privilégier l’alternance qui est une voie d’insertion royale.  

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