Le métier de commis de cuisine
En ce début du mois de mars, ils sont une douzaine, masqués, à écouter un cours de français sur les pronoms. Odysseas Fyssas, professeur de FLE (français langue étrangère), leur fait répéter des phrases courtes type « tu en veux ». Ce matin, ils ont étudié le vocabulaire autour de la soupe. L’ambiance est studieuse. Pendant les exercices écrits, chacun est penché sur sa feuille, concentré.
À l’oral, chacun participe volontiers, même ceux qui semblent timides. Quelques blagues fusent par-ci par-là. Tous sont réfugiés bénéficiaires de la protection internationale et viennent du Congo ou du Tibet. Dans un coin des tables en forme de U, Abdul Qahar Alishangi, 25 ans, suit tout autant que les autres. Il a fui l’Afghanistan pour se réfugier en France en 2018. Après plusieurs expériences professionnelles dans divers secteurs, il a choisi de se réorienter dans la restauration.
Un diplôme à la clé
Ces trois femmes et neuf hommes suivent le programme Sésame de l’opérateur de compétences Akto. Leur objectif ? Se former au métier de commis de cuisine en restauration traditionnelle.
Pendant 750 heures, ils suivent 280 heures de cours de français, 280 heures de formation technique et 190 de stage en entreprise, pour obtenir un titre à finalité professionnelle de commis de cuisine, le CQP.
« Il y a également un accompagnement socio-professionnel tout au long de leur parcours, ainsi que deux mois d’accompagnement pour faciliter leur insertion professionnelle », précise Anne Couvert, chargée de projet Sésame Ile-de-France.
Tous les participants ont été sélectionné après des tests de français, de logique et des entretiens physiques. « La plupart découvre les métiers de la restauration. Dans la dernière ligne droite de la sélection, nous insistons sur les contraintes du métier et testons leur motivation », rajoute-t-elle.
La structure bénéficie d’un réseau d’entreprises pour placer ses stagiaires. « Ainsi, les entreprises peuvent les former pour les embaucher après leur formation et ainsi faire face à la pénurie de main-d’oeuvre dans le secteur de la restauration, atteste Anne Couvert. Les premières expériences ont été très réussies ».
Sur les troisième, quatrième et cinquième session en Ile-de-France, 78 % des participants ont obtenu un CDI ou un CDD de plus de 6 mois.
Dans le garde-manger
Quelques semaines plus tard, Abdul Qahar Alishangi se trouve dans les cuisines du restaurant Bib & Guss, collé au stade Arena à La Défense. Dans la salle à la décoration contemporaine, 110 personnes peuvent être assises, sans compter la terrasse d’une centaine de couverts. Le restaurant du groupe Ducasse est ouvert le midi en semaine et les soirs de match ou concert.
Le chef de l’établissement Gabriel Khaldi raconte : « Abdul Qahar est principalement au garde-manger (principalement des préparations froides, Ndlr) car c’est un poste facile techniquement parlant. Il n’y a pas de cuisson ou de découpage dangereux, il peut donc être facilement autonome. Selon les besoins au quotidien, il peut aussi être à la pâtisserie ou à la garniture pour les légumes. Ici, tout le monde forme Abdul Qahar ».
Au bout de deux semaines de stage, Abdul Qahar confirme son envie de travailler dans ce secteur : « Mon stage se passe bien. Parfois, il y a quelques mots de français que je ne comprends pas mais j’observe attentivement pour mieux refaire après ».
Motivation première
Avant le début du stage, le chef de cuisine avait quelques appréhensions sur la capacité de compréhension du français d’Abdul Qahar, « pour dialoguer et échanger avec le reste de l’équipe » mais finalement tout se passe bien. « On prend le temps d’expliquer et de montrer. Si cela ne va pas, on remontre. On s’efforce d’accompagner au maximum », décrit le chef de cuisine. Le stagiaire récolte aussi des éloges de la part du chef pâtissier Akim Khadri : « Il a un lourd passé mais est très motivé. Il mérite sa place ici ».
Pour Gabriel Khaldi, l’expérience est positive pour tout le monde. Elle permet aux restaurateurs de former de la main-d’œuvre « embauchable » et de continuer à former, sujet important au sein du groupe Ducasse : « Comme toutes les démarches d’inclusion que nous mettons en place, celle-ci est très bien accueillie par les équipes qui sont animées par la passion du métier et aussi sa transmission », affirme Laetitia Blanc, directrice recrutement formation & développement RH chez Ducasse Paris.
Si Abdul Qahar obtient un contrat à la fin de sa formation, cela lui permettra d’accéder plus facilement à un logement. « Sujet au combien compliqué en Ile-de-France », conclut Anne Couvert.
Par Julie Falcoz
L’importance de l’intégration des travailleurs étrangers
L’intégration des travailleurs étrangers est un enjeu fondamental pour de nombreuses sociétés contemporaines. Elle permet de répondre à des besoins économiques tout en enrichissant la diversité culturelle. Les programmes de formation et d’accompagnement jouent un rôle clé dans ce processus, facilitant l’accès à l’emploi et l’inclusion sociale. En favorisant l’apprentissage de la langue et la reconnaissance des compétences, ces initiatives contribuent à une intégration durable et équilibrée. De plus, l’intégration des travailleurs étrangers aide à combler les pénuries de main-d’œuvre dans plusieurs secteurs et stimule l’innovation en apportant de nouvelles perspectives. Pour que cette intégration soit réussie, il est essentiel de mettre en place des politiques inclusives et de promouvoir l’égalité des chances, garantissant ainsi une société plus cohésive et dynamique.
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