
En France, environ 8 % de la population serait atteinte de dyslexie, selon la Fédération française des Dys. Depuis 2018, le groupe Atol Les Opticiens s’intéresse à ce handicap invisible, qui affecte les capacités de lecture et d’écriture des personnes qui en souffrent. En plus d’avoir créé des lunettes d’accompagnement, l’entreprise multiplie les actions de sensibilisation à l’interne comme à l’externe. Les explications d’Emmanuelle Labénère, responsable du service Formation.
Qu’est-ce que la dyslexie ?
La dyslexie est un trouble de l’apprentissage d’origine neurologique. Le cerveau des personnes atteintes de dyslexie rencontre des difficultés à percevoir et à analyser de façon rapide les sons dans les mots, d’où les problèmes de lecture et d’écriture que ce handicap engendre. Dans le milieu professionnel – et même s’il n’existe pas de « profil type » – il est souvent admis que les personnes dyslexiques ont tendance à se fatiguer plus rapidement (du fait de la concentration dont elles doivent faire preuve) et ont besoin de davantage de temps pour assimiler des informations dans les situations d’urgence ou dans les phases de changements.
Source : Fédération française des Dys

Pourquoi le groupe ATOL a-t-il fait de la dyslexie l’un de ses axes de travail ?
Cela fait plusieurs années qu’ATOL déploie une stratégie d’inclusion, qui fait écho à sa mission : le bien voir, le bien entendre et le bien-être pour tous. Dans ce contexte, nous essayons de nous montrer précurseurs sur plusieurs sujets. Depuis 2018, nous incubons la start-up rennaise Abeye, qui est notre cellule R&D. Avec son aide, nous avons lancé « ATOL Zen », des lunettes connectées pour les personnes âgées, équipées d’un détecteur de chute. Fin 2020, nous avons ensuite créé « Lexilens », des lunettes qui visent à faciliter la lecture des personnes dyslexiques. Cette initiative fait suite à une découverte, sur laquelle les scientifiques d’Abeye se sont appuyés. Ils ont mis en évidence que les personnes dyslexiques n’ont pas d’œil dominant et que les deux tâches de Maxwell présentes dans chaque œil sont symétriques au lieu d’être asymétriques, ce qui provoque une surcharge d’informations dans la zone de traitement de la lecture.
Concrètement, quelles conséquences la dyslexie peut-elle avoir dans le milieu professionnel ?
Généralement, les personnes dyslexiques souffrent d’un manque de confiance en elles. Elles n’osent pas prendre la parole en réunion car ça suppose souvent de lire un support qu’elles ne sont pas en mesure de déchiffrer rapidement. Elles hésitent à rédiger des mails, de peur qu’ils soient truffés de fautes d’orthographe. Globalement, la dyslexie génère de l’isolement. Et lorsqu’il est rendu visible, ce handicap – comme les autres – est plus ou moins accepté en interne. J’ai lu il y a quelques jours la publication d’une infirmière qui avait perdu son poste car ses compte-rendu médicaux étaient mal orthographiés, du fait de sa dyslexie… Et pourtant, la dyslexie peut être un atout. La NASA en fait d’ailleurs un critère de recrutement à part entière. Ce qui l’intéresse, c’est la vision d’ensemble des personnes dyslexiques, leur habilité à résoudre des problèmes et leurs capacités à savoir déléguer.
Comment sensibilisez-vous le monde de l’entreprise à la dyslexie ?
Depuis trois ans, nous menons, au sein des entreprises, des actions de sensibilisation via des journées découverte et des journées test. À date, plus de 150 000 salariés ont été touchés par nos actions, au sein de PME et d’ETI mais aussi de grands groupes comme Coca Cola, Décathlon, Transdev…, en France comme dans le monde. Dans ces entreprises, notre objectif est d’identifier les salariés dyslexiques et de leur proposer un accompagnement pour favoriser leur intégration professionnelle, donc leur bien-être. Ce moment est également l’occasion de libérer les atouts propres aux dyslexiques : la créativité, la persévérance, le sens de l’analyse… Par ailleurs, je vais contredire la maxime selon laquelle « les cordonniers sont les plus mal chaussés » : car nous sensibilisons également l’ensemble de nos salariés à ce sujet, notamment les nouveaux entrants au cours de leur programme d’intégration.
Dyslexie : les chiffres clés à retenir
- 59 % des dyslexiques cachent leur handicap en entretien d’embauche,
- 50 % le cachent dans leur travail quotidien,
- 54 % estiment que la dyslexie entrave leur évolution professionnelle,
- 54 % ressentent une forme de discrimination.
Source : étude menée en 2023 par LinkedIn et l’institut de sondage CSA.
Carrefour dévoile son plan d’actions pour aider ses salariés dyslexiques
En novembre 2024, Carrefour annonçait, par l’intermédiaire de son PDG Alexandre Bompard, un plan d’action en faveur de ses salariés atteints de troubles DYS (dyslexie, dysorthographie, dyscalculie). Le groupe entend notamment proposer des pré-diagnostics, de nouveaux outils informatiques, des polices de caractère dédiées, un réseau d’entraide interne… Par ailleurs, il s’engage à former 2000 collaborateurs par an sur des compétences de base comme la lecture.