12 millions : c’est le nombre de Français porteurs d’un handicap. Pour 80 % d’entre eux, celui-ci est « invisible ». Qu’est-ce que cela signifie ? Quels aménagements de poste sont possibles ? Comment faciliter l’insertion de ces travailleurs en entreprise ? Éléments de réponse
Qu’est-ce qu’un handicap invisible ?
Un handicap invisible est un handicap qui ne se voit pas à l’œil nu et qui peut potentiellement passer inaperçu si l’individu ne rencontre pas de difficultés particulières. Autrement dit, c’est un handicap non détectable, qui ne peut être remarqué si la personne concernée ne l’aborde pas. « On estime à 80 % le pourcentage de handicaps invisibles parmi ceux qui sont déclarés », rappelle Judith Sitruk, coach et autrice de l’ouvrage « L’Asperger au travail ». Sous l’appellation « handicap invisible », se cache une multitude de handicaps différents (sensoriels, mentaux, psychiques, cognitifs, liés à des maladies chroniques invalidantes…) Parmi les plus courants, il y a notamment :
- la surdité,
- la dyslexie,
- l’autisme,
- les troubles bipolaires,
- les troubles cardiaques,
- la malvoyance,
- la sclérose en plaques,
- l’épilepsie,
- les maux de dos,
- la fibromyalgie…
Quelles sont les obligations de l’employeur vis-à-vis des personnes handicapées ?
Outre l’obligation générale de sécurité visant à protéger la santé physique et mentale de l’ensemble de leurs travailleurs (l’article 4121-1 du Code du travail), toutes les entreprises françaises qui emploient 20 salariés minimum sont soumises à l’Obligation d’emploi des travailleurs handicapés (OETH), dans une proportion d’au moins 6 % de leur effectif total. En cas de non-respect, les employeurs s’exposent au versement d’une contribution financière annuelle à l’Agefiph.
Par ailleurs, conformément aux dispositions de l’article L5213-6 du Code du travail, l’employeur est tenu de prendre des mesures envers les travailleurs handicapés. « Il doit prendre, en fonction des besoins, dans une situation concrète, les mesures appropriées pour permettre aux travailleurs handicapés d’accéder à un emploi ou de conserver un emploi correspondant à leur qualification, de l’exercer ou d’y progresser ou pour qu’une formation adaptée à leurs besoins leur soit dispensée ».
La loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel oblige également toute entreprise d’au moins 250 salariés à désigner un référent handicap. Son rôle est de favoriser l’insertion professionnelle des travailleurs handicapés. Travaillant en étroite collaboration avec les services RH et la médecine du travail, ce professionnel est chargé « d’orienter, d’informer et d’accompagner les personnes en situation de handicap » au sein de l’entreprise, selon l’article L.5213-6-1 du Code du travail.
Quels sont les aménagements possibles à mettre en place en entreprise pour les personnes présentant un handicap invisible ?
Afin de garantir les mêmes conditions de travail à tous leurs collaborateurs, les entreprises doivent procéder à un aménagement « raisonnable » du poste de travail (c’est-à-dire ne représentant pas une charge trop importante), selon le handicap de chacun, d’après la loi du 11 février 2005. Cet aménagement concerne à la fois :
- L’accessibilité des locaux,
- L’adaptation du poste de travail,
- L’accès à un matériel de communication adapté selon la déficience du salarié.
Comme il y a autant de handicaps que de personnes handicapées, tous les aménagements ne se ressemblent pas. « Les personnes atteintes d’une maladie chronique comme le diabète vont par exemple avoir besoin de pauses plus régulières tandis que celles souffrant d’un trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité seront sensibles au bruit, à la lumière et seront donc plus à l’aise dans un bureau fermé qu’en open space », illustre Judith Sitruk.
En fonction des besoins de chaque individu, les entreprises peuvent mettre en place des aménagements tels que :
- des protections auditives,
- des seconds écrans,
- des sièges ergonomiques,
- des espaces de repos,
- du mobilier spécialisé,
- une assistance pour passer de l’oral à l’écrit
- des pictogrammes visuels,
- la méthode FALC,
- des horaires adaptés.
Chez Schneider Electric par exemple, une ligne de production a été repensée pour faciliter le quotidien de salariés touchés par des troubles musculo-squelettiques. Des bras de levage ont permis de supprimer des gestes incompatibles avec certaines pathologies. Pour autant, tous ces aménagements ne sont possibles que si le travailleur handicapé dispose de la RQTH, en l’occurrence qu’il a choisi de parler de son handicap invisible à son employeur. « À défaut, la loi ne permet pas à l’employeur d’intervenir », rappelle Judith Sitruk.
Quelles sont les actions à mener pour faciliter l’insertion des personnes avec un handicap invisible au sein de l’entreprise ?
La première étape est de « mettre en œuvre un environnement de travail suffisamment bienveillant pour que les personnes souffrant d’un handicap invisible se sentent à l’aise pour en parler à leur employeur et obtenir la RQTH », explique Judith Sitruk. Pour y parvenir, mener un travail continu de sensibilisation des équipes est la clé. C’est en ouvrant le dialogue sur toutes les formes de handicap (visibles comme invisibles) que les principaux intéressés oseront, à leur tour, initier la démarche de RQTH. Schneider Electric a par exemple organisé une exposition consacrée aux maladies chroniques ou invalidantes afin de déconstruire les idées reçues.
Former plus spécifiquement les professionnels RH ainsi que les managers d’équipe sur la reconnaissance et l’interprétation des comportements liés aux handicaps invisibles est également intéressant « dans la mesure où ils ont une grande méconnaissance du sujet », constate-t-elle. Cela permet notamment de prévenir les comportements de discrimination ou d’exclusion en interne. Pour former ses collaborateurs au handicap invisible, Total Énergies s’est par exemple tourné vers le cabinet de consulting T’Hompouss. Ils ont pu notamment sensibiliser les équipes via une pièce de théâtre comprenant plusieurs saynètes typiques de la vie de l’entreprise.
À l’échelle d’une équipe cette fois, les managers formés au sujet peuvent enfin rester flous sur le handicap de leur collaborateur, si tel est le désir de ce dernier. « Pour éviter de déclasser cette personne aux yeux de ses collègues de travail, mieux vaut se contenter d’expliquer les aménagements spécifiques dont il a besoin, sans entrer dans le détail », conclut Judith Sitruk.
Pour favoriser l’embauche des personnes en situation de handicap, les entreprises peuvent bénéficier d’aides financières mises à disposition par l’AGEFIPH