Accidents du travail : les entreprises négligent la prévention 

Personne souffrant d'une douleur au poignet lié à l'utilisation de son ordinateur de travail.

La 8e édition du Baromètre de la gestion des accidents du travail et des maladies professionnelles réalisée par BDO indique que les entreprises persévèrent dans la lutte contre les risques professionnels mais ont tendance à trop négliger la prévention auprès de leurs salariés. En dépit de l’obligation légale qui pèse sur celles de plus de 50 salariés… Explications. 

La sinistralité ne faiblit pas   

En 2023, 661 personnes sont décédées en France à la suite d’un accident du travail, selon l’Organisation internationale du travail (OIT). Soit deux personnes par jour, en moyenne. Des chiffres qui placent la France à la 3e place des pays européens confrontés à ce fléau. D’après la 8e édition du baromètre menée par OpinionWay pour le cabinet de conseil BDO, qui s’intéresse à la sinistralité de 400 entreprises privées évoluant dans des secteurs accidentogènes (industrie, BTP, transport…), ces chiffres ne sont pas près de s’améliorer. En 2023, environ 600 000 accidents de travail ont en effet été enregistrés par l’Assurance maladie. Plus de 9 entreprises sur 10 ont déclaré au moins un accident de travail, contre 8 sur 10 en 2022. Parmi ces déclarations, 70 % concernent des accidents de travail (versus 80 % en 2022), 25 % des accidents de trajet (versus 42 %) et 24 % des maladies professionnelles (versus 44 %). Seuls les arrêts maladie liés aux risques psychosociaux (stress, dépression, burn-out…) ont diminué : 9 % des entreprises y ont été confrontées en 2023, contre 12 % en 2022.  

La prévention est à la traîne  

Pourtant, les entreprises – notamment les plus grandes – redoublent d’efforts pour préserver la santé de leurs salariés et tenter de réduire leur volume d’accidents du travail. Elles connaissent désormais mieux les procédures administratives et financières des accidents du travail, indique le baromètre BDO/OpinionWay. 9 entreprises sur 10 contrôlent annuellement leur taux de cotisation AT/MP, contre seulement 7 sur 10 en 2020. Reste que malgré l’obligation légale qui oblige les entreprises de plus de 50 salariés à signer un « accord de prévention » (voir encadré), la sensibilisation est loin d’être suffisante au sein des entreprises. D’après le baromètre, seuls 4 employeurs sur 10 ont signé un tel accord en interne. « Il reste des marges de progression importantes pour espérer voir un décrochage significatif des accidents et des décès liés au travail. Il n’y a pas de fatalité : la prévention et la bonne connaissance des procédures paient », commente Xavier Bontoux, avocat spécialisé en droit social et directeur général de BDO RH. 

Xavier Bontoux

Depuis le 1er janvier 2019, une obligation légale pèse sur les entreprises de plus de 50 salariés. Ces dernières ont l’obligation de négocier un « accord de prévention » :  

  • Si au moins 25 % des salariés sont exposés aux facteurs de pénibilité au-delà des seuils réglementaires OU 
  • Si l’indice de sinistralité est supérieur à 0,25. 

Cet accord vise à prévenir toute pénibilité et ainsi permettre aux salariés de travailler tout en préservant leur santé. L’absence d’un tel accord expose les entreprises à une sanction financière équivalente à 1 % de leur masse salariale. Les entreprises ayant un taux d’accident élevé voient également leurs cotisations patronales augmenter. « Malgré ce système financier très sévère et sanctionnateur pour l’entreprise accidentogène, on ne note pas d’amélioration significative de la sinistralité. Cela interroge sur la pertinence même de ce système qui se veut pourtant, du moins sur le papier, dissuasif », constate Xavier Bontoux. 

Quels travailleurs sont concernés ? 

D’après l’Organisation internationale du travail, les ouvriers restent la catégorie professionnelle la plus touchée par les accidents du travail. Sans surprise, ce sont dans les secteurs de l’agriculture, de la construction et de l’industrie manufacturière que les accidents mortels sur le lieu de travail sont les plus fréquents. À elles seules, ces filières représentent 60 % des décès « professionnels ». Outre le manque de prévention et de sensibilisation des équipes, les chutes dues au travail en hauteur, la manutention de machines, la conduite, la chaleur et les risques chimiques sont les principales causes des accidents de travail, toujours selon l’OIT. 

Les hommes plus touchés que les femmes par les accidents du travail ! 

D’après le baromètre d’OpinionWay, les accidents du travail et les maladies professionnelles touchent davantage les hommes que les femmes. 8 hommes contre seulement 2 femmes ont déjà été victimes d’un accident de travail, 7 hommes contre 3 femmes d’un accident de trajet. Aussi, 7 hommes contre 3 femmes ont déjà déclaré une maladie professionnelle. Par ailleurs, près de la moitié des femmes ne sont impliquées dans aucun accident de quelque sorte. 

Le groupe SUEZ réduit ses accidents du travail 

Depuis plusieurs années, le groupe SUEZ poursuit un objectif ambitieux : recenser zéro accident grave et mortel. Grâce à une démarche de prévention globale, qui repose sur 400 « préventeurs » répartis sur tous ses sites, le groupe a réussi à réduire de 35 % la fréquence des accidents du travail à l’échelle mondiale entre 2019 et 2023. Un résultat lié aux nombreux dispositifs mis en place par l’entreprise pour protéger la santé de ses salariés : campagnes de prévention, analyses approfondies des risques, engagement des managers, développement d’une culture santé et sécurité, formations sur mesure… 

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