
« Comment favoriser la diversité et l’inclusion dans le monde du travail ? » Cette question a récemment fait l’objet d’une consultation citoyenne, réalisée par la Civic Tech Make.org. Quelles ont été les idées les plus plébiscitées par les Français ? De quelle manière impacteront-elles un futur plan d’action ? Comment les entreprises peuvent-elles s’en inspirer ? Les réponses d’Estelle Colas, directrice des Grandes Causes chez Make.org.
Pourquoi le sujet de la diversité et de l’inclusion dans le monde du travail est-il considéré comme une « Grande Cause » chez Make.org ?

Chez Make.org, nous nous intéressons régulièrement aux sujets touchant à l’inégalité de genre, au handicap, aux seniors… Nous avons décidé de les regrouper dans la thématique de la diversité et de l’inclusion au travail, qui fédère l’ensemble de ces sujets. Par ailleurs, le contexte nous a également poussé à agir. Étant donné l’élection américaine – notamment les sorties de route de Donald Trump – ainsi que la montée en puissance de la culture du masculinisme, nous souhaitions apporter notre pierre à l’édifice et faire évoluer les mentalités en faveur de l’égalité des chances. Pour y parvenir, nous avons choisi France Travail comme parrain de cette grande cause et plusieurs partenaires corporate (L’Oréal, Orange, Malakoff Humanis…) et associatifs (AFMD, Numeum, APF France Handicap…).
La consultation citoyenne s’est déroulée du 9 décembre 2024 au 28 février 2025. Quelles thématiques ont majoritairement été citées par les Français ?
Plus de 130 000 personnes ont participé à cette consultation citoyenne et partagé près de 2300 propositions. Ces dernières ont reçu 305 000 votes, autant de la part de femmes que d’hommes. Les thèmes cités spontanément par les citoyens concernent la culture d’entreprise et les pratiques managériales (28 %), les politiques RH et de recrutement (23 %), le handicap et l’accessibilité (16 %) ainsi que les dispositifs d’insertion et d’accompagnement (15 %). Ce qu’il faut retenir de cette consultation, c’est qu’elle a été très controversée. D’habitude, nous obtenons, dans les propositions, davantage de consensus que de controverses. Ici, ça a été l’inverse. Sur les 2050 propositions finalement validées, seules 780 sont consensuelles et ont obtenu plus de 60 % des votes.
Selon vous, pourquoi le sujet de l’inclusion divise-t-il autant ?
Le sujet de la diversité et de l’inclusion fait l’objet d’un clivage important au sein de la société. Les idées votées recueillent autant d’adhésion forte que de rejet net. La période que nous vivons actuellement, par exemple les prises de position de Donald Trump et d’Elon Musk en matière de diversité, a également pu exacerber nos réactions. Au final, les propositions des citoyens – parfois proches voire similaires – ont été regroupées en 25 idées : 13 sont consensuelles et 12 sont controversées. Elles portent sur 5 axes : le recrutement et l’accès à l’emploi, la sensibilisation et la formation à l’inclusion, l’accompagnement et l’adaptation des conditions de travail, la gouvernance et la politique internes, le cadre légal et les actions contre la discrimination.
Quelles idées font, par exemple, l’objet de consensus ou de controverses ?
Sur le volet du recrutement, remettre les compétences au cœur du processus RH, renforcer l’accès à l’emploi des seniors, faire preuve d’ouverture dans la sélection des candidatures sont des idées qui font consensus. À l’inverse, transformer les pratiques RH pour éviter les biais ou donner davantage de visibilité à la communauté LGBT sont des idées qui divisent davantage. Sur le volet de l’adaptation aux conditions de travail, développer le mentorat intergénérationnel, promouvoir une organisation de travail flexible pour s’adapter à tous les publics sont des idées qui fédèrent. Le volet du cadre légal est, quant à lui, le plus controversé : l’idée d’instaurer davantage de quotas, de sanctionner plus lourdement les entreprises, de dénoncer les comportements discriminatoires ne font pas l’unanimité.
Certains sujets sont-ils passés sous les radars ?
Oui ! Si on reprend la liste des 26 critères de discrimination interdits par la Loi, on s’aperçoit qu’il y a des silences de la part des citoyens sur les sujets relatifs à la race et aux origines. Cela ressort très peu dans leurs propositions, et c’est une grande surprise. Ces thématiques n’ont fait l’objet que de 21 propositions, à elles deux. De la même manière, la situation familiale – qui figure pourtant dans cette liste – est peu citée par les citoyens. Pourtant, les entreprises sont particulièrement nombreuses à déployer des actions en faveur de la parentalité, justement.
Quelles sont les prochaines étapes de cette consultation citoyenne ?
Depuis avril dernier, nous menons des ateliers de concertation qui réunissent 8 à 10 personnes parmi nos partenaires, des entreprises, des associations… L’objectif de ces ateliers est de co-construire un plan d’action concret. En parallèle, nous avons formulé un appel à projets à destination des associations, qui se clôturera mi-mai. Jusqu’en novembre, nous sélectionnerons les projets qui nous semblent les plus pertinents. Sur les 30 à 50 projets visés, nous en garderons 6 ou 7. C’est eux qui nous permettront de construire le plan d’action de la société civile, que nous dévoilerons en décembre 2025. Ces projets seront ensuite financés et déployés pendant deux ans, le temps de leur passage à l’échelle. Enfin, en décembre 2027, nous dresserons un bilan des actions menées et de leur impact.
Par Aurélie Tachot