Apparence physique

L’apparence physique : un critère de discrimination répandu mais rarement cité 

L'apparence physique fait partie des 25 critères de discriminations reconnus par l'Etat. Sur ce sujet, nous constatons que de nombreuses personnes ont vu leurs chances de recrutement s'affaiblir, du fait de leur apparence. Isabelle Barth, professeure à l'Université de Strasbourg nous en dit plus sur ce sujet, et sur les impacts de notre apparence physique en entreprise.

L’apparence physique fait partie des 25 critères de discrimination interdits par la loi et répertoriés dans l’article 225-1 du Code pénal. Parce qu’il est subjectif, il est mal adressé par les entreprises pourtant soucieuses de leur inclusion. Comment ces dernières peuvent-elles agir pour que toutes les personnes aient « la tête de l’emploi » ?

Les réponses d’Isabelle Barth, professeur en management à l’Université de Strasbourg et auteure de l’ouvrage « Manager la diversité : de la lutte contre les discriminations au leadership inclusif » 

L’apparence physique est un critère de discrimination qui semble à part. Pourquoi ? 

C’est vrai que c’est un critère particulier. D’une part parce qu’il concerne tout le monde, et non une catégorie de personnes comme les femmes, les handicapés, les LGBT… Tout le monde a une apparence qui reflète une identité vraie ou supposée. D’autre part parce que c’est un critère de discrimination subjectif, qui relève de l’intime. Plus que les autres, celui de l’apparence physique est soumis à notre éducation, à nos croyances les plus profondes. De fait, c’est un « impensé » : il est répandu mais rarement cité dans le cas d’une judiciarisation. Lorsqu’une plainte est déposée – ce qui est rare – on préfère parler de discrimination liée à un fait religieux, une origine ethnique… plutôt que d’apparence physique. Je me souviens par exemple d’un serveur de café qui avait été licencié car il portait des boucles d’oreille. L’affaire avait été requalifiée pour discrimination liée à son orientation sexuelle. 

Qui sont les victimes de ce type de discrimination ?  

Les femmes sont celles qui sont les plus discriminées pour leur apparence physique. Dans la société comme en entreprise, on est plus sévère avec une femme qui est en surpoids ou qui montre des signes de vieillesse par exemple. On porte des jugements sur l’apparence physique des femmes qu’on ne porte pas chez leurs homologues masculins. Par ailleurs, les femmes sont davantage victimes du stéréotype « beauty is beasty » (NDLR : « la beauté est la bêtise ») qui implique que, dans certains cas, la beauté constitue un désavantage dans une carrière. Une femme aura par exemple dû mal à briser le plafond de verre et à intégrer les sphères de direction car elle sera qualifiée de « trop belle ». À l’inverse, plusieurs études montrent également qu’il existe, surtout chez les femmes, une prime à la beauté et une décote à la laideur en matière d’emploi. 

Est-ce que l’apparence physique est un sujet qui passe sous les radars au sein des entreprises ?  

En France, les entreprises sont en retard sur le sujet, simplement parce qu’il y a, dans l’Hexagone, une conformité sociale qu’on ne retrouve pas ailleurs. Aux États-Unis par exemple, il y a une véritable diversité physique en entreprise, qui donne parfois lieu à des formes de communautarisme. Ce que je constate, c’est que même lorsque les entreprises françaises travaillent leur inclusion, elles peuvent en effet passer à côté de ce sujet. Pourtant, il préoccupe leurs salariés : selon un baromètre réalisé par le Medef en 2022, l’apparence physique apparaît comme la 2e crainte de discrimination sur le marché du travail, derrière l’âge. Les sujets liés au surpoids, au style capillaire… interpellent en entreprise. Récemment, la Cour de cassation a par exemple estimé que le groupe Air France avait fait preuve de discrimination envers un steward qui portait des tresses africaines.  

Comment les entreprises peuvent-elles sensibiliser leurs salariés sur cette discrimination ?  

Ce que je leur conseille, c’est d’abord de prendre conscience qu’elles doivent aller au-delà de leurs croyances, de leur première impression sur un candidat à l’embauche par exemple. Aujourd’hui, on associe encore trop souvent la beauté à des qualités de probité, le surpoids à l’absence de maîtrise de soi et le tatouage à l’indiscipline… Il est urgent de déconstruire ces préjugés. Des campagnes d’affichage montrant des personnes aux physiques différents (des tatoués, des piercés, des personnes portant des dreadlocks…) peuvent ensuite les aider à sensibiliser leurs salariés au sujet. Outre Dove, qui prend souvent la parole sur le mouvement « body positive », la SNCF et Apicil ont par exemple lancé des campagnes de communication valorisant la diversité de leur équipe en montrant des personnes ayant des physiques différents : des petites, des grosses, des tatoués… 

Qu’entend-on par « apparence physique » ?  

Selon le Défenseur des droits, l’apparence physique revêt plusieurs formes :  

  • L’apparence corporelle, c’est-à-dire des caractéristiques physiques innées ou apparues, non modifiables comme les traits du visage, la silhouette, la corpulence, la couleur de la peau, le nanisme… 
  • L’apparence vestimentaire qui porte sur le « style » d’une personne : ses vêtements, sa coiffure, ses tatouages, ses piercings…, pour lesquels il y a peu de bienveillance en entreprise.  

En entreprise, il existe des exceptions ! 

La loi permet aux employeurs de retenir des critères liés à l’apparence physique lorsqu’ils choisissent un candidat pour exercer un emploi, à condition qu’ils soient nécessaires au vu de la tâche à accomplir, selon les articles 225-3 du Code pénal et L.1121-1 et L.1133-1 du Code du travail. C’est par exemple le cas de métiers nécessitant des attributs corporels définis, dans le spectacle (les comédiens), la mode (les mannequins)… Une entreprise peut également prévoir un règlement intérieur qui interdit le port de piercing, bijoux, bermudas… pour des raisons de sécurité et d’hygiène. 

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