Les entreprises que vous accompagnez sont-elles sensibles au sujet de l’inclusion ?
La communication de nos clients est sous l’influence constante du public. Ce public qui a lui-même fait émerger le sujet de l’inclusion ces dernières années. Les entreprises y sont donc sensibles, mais ne savent pas comment le traiter. Le mot « inclusion » ne facilite pas une appréhension claire du sujet. C’est un terme généraliste qui englobe beaucoup de thématiques : ethniques, raciales, sociales, religieuses, handicap, LGBTQ+, l’égalité femmes/hommes, seniors…
Pour être plus clair, il faudrait traiter les sujets un à un. À ce titre, même si la publicité devient plus inclusive, je regrette qu’il n’y ait pas davantage de campagnes de communication institutionnelles qui fassent de la pédagogie autour de l’égalité des sexes, du handicap ou de la lutte contre le racisme.
En France, le respect de la différence n’est pas toujours partagé. En tant que présidente du conseil d’administration du Musée national de l’histoire de l’immigration, je suis très concernée par le regard porté par les Français sur les immigrés, qui ont joué un rôle majeur pour aider la France à se construire. Reconnaître le rôle de cette immigration, c’est regarder son histoire en face sans tourner le dos à ce qui s’est vraiment passé dans ce pays.
Pour qu’un message inclusif ait de la valeur, il faut le construire avec authenticité et prouver sa consistance. C’est en donnant des preuves que les entreprises gagneront en légitimité
Mercedes Erra, fondatrice et présidente de BETC Groupe et présidente exécutive d’Havas Worldwide
La thématique de la diversité est-elle au cœur des campagnes des entreprises ?
La diversité et l’inclusion sont des sujets de fond incontournables pour les entreprises aujourd’hui. Plusieurs campagnes emblématiques de cette évolution me viennent à l’esprit.
Dans la cosmétique, cela fait longtemps que L’Oréal montre, dans ses publicités, des ethnies différentes. McDonald’s a bâti son positionnement sur l’idée de tolérance à travers son slogan « Venez comme vous êtes ». Le film de marque de Sephora sur le pouvoir illimité de la beauté est centré sur la relation d’une femme noire à sa propre beauté. Plus récemment, Lacoste a célébré les différences et l’hybridation des cultures, la croisée des générations et des styles dans sa dernière campagne.
Les stéréotypes liés au genre, au sexe, à l’origine se bousculent au fil des années. Des représentations des différentes couleurs de peau, des origines ethniques, des orientations sexuelles émergent désormais. Il existe des des retards persistent sur la représentation des seniors et des handicapés.
La crise du Covid-19 n’a pas changé la nature des messages que les entreprises portent. Elle a uniquement accéléré des phénomènes déjà à l’œuvre. En effet, il y a la montée en puissance des enjeux RSE, la volonté de s’engager dans une transition durable, de contribuer à un monde meilleur. Un monde moins discriminatoire. La route est longue mais nous sommes sur le chemin.
Quelle tonalité choisissent-elles généralement ?
Il y a une forme de « bien-pensance » que je regrette dans la communication employeur de certaines entreprises. Elle frôle parfois la moralisation. Par ailleurs, certaines entreprises se risquent à porter des discours sur l’inclusion qui flirtent avec l’opportunisme, quand les allégations ne recoupent pas la réalité de leur engagement.
À mon sens, pour qu’un message inclusif soit un message de valeur, il faut le construire avec authenticité. Il faut également prouver sa consistance. C’est en donnant des preuves que les entreprises gagneront en légitimité sur ce sujet (leur index de l’égalité professionnelle, leur quota de femmes dans les conseils d’administration et Comex, leur politique handicap…).
Lorsque L’Oréal communique sur sa démarche RSE par exemple, il le fait en valorisant ses initiatives pour réduire son empreinte carbone. Le monde du travail est traversé par la thématique du sens. Les entreprises ont donc intérêt à communiquer sur celui qu’elles souhaitent donner à leur mission.
Crédit Photo portrait de Mercedes Erra @Jarrar
Les freins à la diversité en entreprise :
La lutte contre les discriminations est un sujet compliqué. S’il existe des avancées les discriminations persistent. Elles touchent des personnes en situation de handicap, les femmes … Peu d’entreprises respectent le principe de la diversité dans leurs effectifs. Pourtant le droit français définit parfaitement non moins de 25 critères de discrimination différents).
Une personne sur quatre se plaindrait en effet encore de discrimination au travail, les principaux actes de discrimination concernant :
- L’âge: les personnes de 15-24 ans et celles de 50 ans et plus ont énormément de difficultés à trouver un emploi (18,8 % de chômage pour les 15-24 ans et 6,1 % pour les plus de 50 ans).
- Le sexe : l’écart salarial entre les femmes et les hommes est de 16,8 % à poste égal. Seulement 17 % des postes à responsabilités sont occupés par des femmes et 28 % des femmes travaillent à temps partiel.
- Le handicap : seuls 3,4 % des bénéficiaires de l’obligation d’emploi (BOE) sont employés.
- La classe sociale :les jeunes issus de quartiers défavorisés ont 2,5 fois moins de chances de trouver un emploi et sont 2,5 fois plus touchés par le chômage.
- L’orientation sexuelle et le genre : une personne LGBT+ (lesbienne, gay, bisexuelle, transidentitaire ou autre) sur trois se plaint d’être discriminée au moins une fois au cours de sa vie dans sa scolarité, sa recherche d’emploi ou dans son milieu professionnel.
La sensibilisation à la diversité ainsi que l’instauration d’une nouvelle charte de travail peuvent favoriser la diversité au travail. Découvrez pourquoi ce type d’action concrète est essentiel pour tous en entreprise.
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