Militant LGBT depuis ses plus jeunes années, Stéphane Cola a débuté sa carrière dans la politique. Un milieu qu’il a quitté du jour au lendemain, suite aux propos LGBTphobe de son supérieur hiérarchique. Un coup dur qui a finalement renforcé son militantisme puisqu’il a, depuis, créé plusieurs réseaux d’entraide entièrement dédiés aux personnes LGBT.
Etre confronté à l’homophobie sur son lieu de travail
Pouvez-vous raconter votre parcours ?
Avant de créer une agence de communication il y a maintenant 15 ans, j’ai travaillé, entre autres, dans le domaine de la politique. J’ai notamment occupé le poste de directeur de cabinet d’un député-maire d’une ville d’Ile-de-France. Un jour, j’ai été convoqué par le maire car il courait, dans les différents services, une rumeur selon laquelle j’étais homosexuel. J’ai confirmé cette information car je n’avais aucune raison de taire cette vérité. Le maire m’a alors rappelé qu’en ma qualité de directeur de cabinet, je parlais en son nom, que j’étais son bras droit. Puis, il m’a annoncé de manière frontale que mon homosexualité heurtait son éthique personnelle. En moins de 15 minutes, je lui ai remis ma démission car travailler à ses côtés en connaissant son homophobie heurtait la mienne. J’ai alors tout perdu : mon emploi, mon appartement et ma voiture de fonction.
Assumer son orientation sexuelle en milieu professionnel
Regrettez-vous de ne pas avoir caché votre orientation sexuelle sur votre lieu de travail ?
Non, car je suis un militant et je me suis engagé très jeune dans la défense de la cause des LGBT. Ça faisait donc partie de ma personnalité d’assumer mon orientation sexuelle sur mon lieu de travail. Aujourd’hui, si autant de travailleurs cachent leur orientation sexuelle, c’est parce qu’ils pensent qu’elle peut leur porter préjudice. Je les comprends, cette visibilité m’a souvent causé du tort, parfois même de la souffrance. Mais avec le recul, je pense aussi que les obstacles que j’ai rencontrés ont renforcé mon militantisme et m’ont fait prendre conscience qu’il existait une solidarité dans la communauté LGBT. Ce sont les deux côtés d’une même médaille. Quoiqu’il en soit, faire son coming-out est une décision personnelle, qui n’implique évidemment pas les mêmes conséquences selon qu’on travaille en tant que cadre dans une agence de pub ou en tant qu’ouvrier dans l’industrie.
La création d’un réseau de professionnels compétents et bienveillants
En 2013, vous avez créé le réseau « Friendly », qui compte aujourd’hui 650 membres. Quelle était votre ambition ?
En 2013, au moment du débat sur le mariage pour tous, j’ai en effet co-créé le réseau « Friendly ». Il s’agit d’un réseau qui regroupe des avocats, des notaires ainsi que des professionnels de santé. Bref, des professions où la personne LGBT est obligée de se raconter pour bénéficier d’une aide. Aujourd’hui, c’est un réseau qui permet aux personnes LGBT d’accéder à des professionnels compétents, c’est-à-dire qui connaissent les sujets spécifiques soulevés par les LGBT comme la GPA ou l’adoption d’enfants, mais aussi bienveillants, en l’occurrence qui ne considèrent pas l’homoparentalité comme une abomination, par exemple ! Plus récemment, un autre réseau a vu le jour : Le Club des entrepreneurs LGBT +, dont la vocation est de créer de l’émulation, de susciter des opportunités de business et d’accompagner certaines entreprises tournées vers la communauté LGBT sur les volets juridiques, stratégiques…
La cause des LGBT : chiffres clés et perspectives d’avenir
Comment voyez-vous évoluer la cause des LGBT en France ?
Je trouve que la société évolue dans le bon sens depuis la loi de 2013 sur le mariage pour tous. Les gens sont moins homophobes et plus ouverts qu’avant. On vit probablement mieux son homosexualité aujourd’hui que dans les années 70, à l’époque où Dominique Fernandez écrivait « L’Étoile Rose ». Les entreprises font, elles aussi, beaucoup plus d’initiatives pour favoriser l’inclusion des personnes LGBT, par exemple en signant des chartes relatives à la diversité. Cependant, il y a un reflux de violence qui rend insupportable la vie des personnes LGBT. Les agressions, les insultes, les humiliations, les actes de discrimination sont encore notre lot quotidien. Je me souviens que lorsque j’avais 25 ans – j’en ai aujourd’hui 50 – je remontais les Champs-Élysées en tenant la main de mon compagnon. Aujourd’hui, même si le regard des gens est plus bienveillant, j’en serai incapable, de peur de me faire agresser voire tabasser par une poignée d’énergumènes ultra-violents.
La LGBTphobie en cinq chiffres clés
- 30 % des LGBT ont déjà été victimes d’une agression LGBTphobe en entreprise,
- 26 % des LGBT ont connu des actes de discrimination de la part de leur direction,
- 45 % des LGBT victimes de propos vexants ou désobligeants n’en ont pas parlé.
- 50 % des LGBT sont invisibles dans leur organisation,
- 18 % des managers sont mal à l’aise face au coming-out d’un collègue
Source : Baromètre LGBT+ 2022, IFOP et L’Autre Cercle
Découvrez également le témoignage de Fanchon Mayaudon-Courtel, nommée « Rôle modèle LGBT+ 2022 » par l’association L’Autre Cercle.
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