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Comment accueillir et intégrer des personnes d’origine étrangère en entreprise ?  

Le succès de l’embauche d’un salarié d’origine étrangère repose en grande partie sur son intégration. Comment faciliter cette étape clé mais néanmoins critique ? Éléments de réponses avec le retour d’expérience de la PME Food Service Vision. 

Intégration des personnes d’origine étrangère : état des lieux  

Selon les derniers chiffres du Ministère de l’Intérieur de 2017, 262 000 personnes étrangères en situation régulière sont arrivées sur le marché de l’emploi en France, essentiellement pour des raisons familiales (35 %), d’études (34 %), humanitaires (15 %) et économiques (11%).

Un processus d’intégration chaotique

En 2021, force est de constater que leur intégration sur le marché du travail reste chaotique : selon l’INSEE, les personnes immigrées étaient deux fois plus susceptibles d’être au chômage que le reste de la population. « En moyenne, ces personnes mettent en effet 10 ans avant de retrouver un emploi choisi ou l’équivalent de leur précédent poste », a expliqué Fabien Figula Letort, co-fondateur du cabinet de conseils AFL Diversity, dans le cadre d’un webinaire organisé mi-octobre lors de la Semaine de l’entreprise responsable et inclusive (SERI).

Le favoritisme par le biais d’endogroupe

Une personne avec un patronyme magrébin a, par exemple, 31 % de chances en moins d’être contacté suite à l’envoi de son CV, rappelle la Dares. Des chiffres alarmants qui sont l’œuvre d’un biais cognitif particulièrement prégnant en entreprise : le biais d’endogroupe, qui consiste, pour un individu, à évaluer de manière plus positive les membres du même groupe d’appartenance que lui, que des membres d’autres groupes qui ne lui sont pas familier.   

Quels freins à l’emploi persistent pour les personnes d’origine étrangère ? 

Les obstacles rencontrés par les personnes d’origine étrangère qui cherchent un emploi en France sont de plusieurs ordres : 

  • La lourdeur administrative liée au droit du travail, qui rend le recrutement de personnes d’origine étrangère chaotique et chronophage pour les entreprises.  
  • L’absence de reconnaissance (ou d’équivalence) des diplômes étrangers, « qui met un doute persistant sur leurs compétences réelles », regrette Maïa Bourreille, directrice générale de l’association Yoon France, qui accompagne l’intégration des personnes étrangères. 
  • Le manque de connaissance du « jargon professionnel » de la recherche d’emploi, « et plus globalement des codes de recrutement français, de ses acteurs clés… », précise-t-elle. 
  • L’absence de réseau personnel et professionnel, qui désociabilise les personnes d’origine étrangère et les condamne à l’isolement.  
  • Une insuffisante maîtrise de la langue française par rapport à leur objectif professionnel…, qui refroidit nombre de recruteurs d’entreprise.  

Faciliter l’intégration des personnes étrangères : le retour d’expérience de Food Service Vision

Si l’impulsion de la direction générale est essentielle, « faire preuve de bonne volonté au sein d’une équipe ne suffit pas à intégrer une personne d’origine étrangère », a expliqué Maïa Bourreille. Selon elle, les entreprises doivent a minima objectiver cette intégration, « avec des processus, de la planification, du temps », a-t-elle ajouté.

L’importance d’un accompagnement concret

C’est dans cette optique que l’association Yoon a construit son dispositif d’accompagnement, qui s’échelonne sur plusieurs mois après la prise de poste. Le cabinet Food Service Vision, positionné sur le marché de la restauration, a bénéficié de ce programme pour l’un de ses salariés, recruté en 2019 comme stagiaire puis comme manager en 2020. « La difficulté, c’était que ce salarié, d’origine indienne, ne parlait pas un mot de Français. Pour autant, son profil nous intéressait, d’une part parce qu’il avait un fort potentiel, d’autre part parce que notre cabinet s’ouvrait à l’international et manquait justement certains codes », a témoigné François Blouin, fondateur de la PME, au cours du webinaire.  

L’association Yoon a notamment aidé l’entreprise sur le volet administratif, le salarié en question devant changer de titre de séjour avant d’être officiellement recruté. Des cours de français professionnel lui ont également été dispensés. « Pour favoriser son intégration au sein de notre entreprise, un coaching professionnel a également été mené avec ce salarié. Il avait tendance à être dans la sur-adaptation, à gommer ses spécificités culturelles, alors que c’était justement ce qu’on venait chercher dans ce profil. Suite au coaching, il a osé s’exprimer et positionner sa valeur ajoutée », a expliqué Laure Gosselin, en charge des ressources humaines chez Food Service Vision. 

Recruter des personnes d’origine étrangère : quels bénéfices ? 

Pour Food Service Vision, ce premier recrutement d’un salarié d’origine étrangère a été le premier d’une longue série. « Ces quatre dernières années, nous avons embauché une dizaine de personnes d’origines libanaise, algérienne, franco-turque… Cette ouverture d’esprit nous a permis d’accélérer notre compréhension de la diversité. Lorsque nous recevons un candidat en entretien, seules ses compétences nous intéressent. Le fait qu’il ne parle pas bien le Français ne constitue plus un frein », a raconté François Blouin. La prochaine étape pour la PME, c’est de former ses équipes au management multiculturel pour favoriser davantage l’inclusion de tous.  

Par Aurélie Tachot

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