Etat de santé

Cancer, le difficile retour à l’emploi

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Après la maladie, le retour au travail peut s’avérer une épreuve d’autant plus difficile à vivre qu’il n’est pas préparé. D’où l’importance de le prévoir, le plus en amont possible, avec toutes les parties prenantes.

Depuis 27 ans, l’association Ruban Rose mobilise les énergies pour informer, sensibiliser et réunir des fonds pour lutter contre le cancer du sein. Octobre Rose, point d’orgue de cette mobilisation, a, pour sa 27e édition, imaginé un dispositif exceptionnel, réunissant de nombreux partenaires.


Nous sommes loin du silence qui préexistant à la naissance d’Octobre Rose : « en 1994, la priorité́ était de lever le tabou autour du cancer du sein » se souvient Jean-Christophe Jourde – Président de Ruban Rose et de The Estée Lauder Cies France. Aujourd’hui, s’il est sans doute moins difficile de parler du cancer, un tabou demeure : le retour au travail après la maladie. Dans l’imaginaire collectif, revenir travailler signifie retrouver une vie normale. Une vision idéalisée qui cache parfois une réalité tout autre.

Selon une récente étude[1] concernant les femmes atteintes d’un cancer du sein, 63 % des arrêts ont une durée supérieure à 9 mois. Un temps suffisamment long pour se sentir perdue en revenant au bureau. Fatigue, réactions inappropriées des collègues, charge de travail trop importante… le retour est parfois très loin de ce que le/la malade avait imaginé.

« La question du retour au travail devrait quasiment se poser au moment de l’annonce » conseille Béatrice Fervers, médecin coordinatrice du département Prévention, cancer et environnement du centre Léon Bérard, qui présente l’étude lors du colloque Cancer et Travail[2]. « C’est un tango qu’il faut danser à 3, poursuit-elle : le patient, le médecin et l’entreprise. Chaque patient est différent : l’idéal est de mettre en place un accompagnement personnalisé, qui tient compte de ses envies »

[1] « Le retour au travail des femmes après un cancer du sein dans les entreprises de moins de 250 salariés », Entreprise et Cancer

[2] Colloque Cancer et Travail, 21 septembre 2021, centre Léon Bérard

Reste que dans ce tango à trois, le soutien de l’employeur (un soutien pratique, social et financier) se révèle primordial, tout comme un environnement de travail stable et affectif et une bonne communication. « J’ai eu besoin de parler de mon cancer à mon entreprise, je n’ai pas souhaité qu’on cache la maladie dont je souffrais, raconte Agnès, qui témoigne de façon anonyme lors du colloque Cancer et Travail. Ça a fluidifié nos relations ».

Un point de vue partagé par Laure, sa DRH : « Il faut arriver à garder le lien avec la personne, mais aussi avoir les meilleures relations possibles avec les services de santé au travail et ne pas hésiter à se faire aider par une structure associative ou autre » conseille-t-elle. Et pourtant ! 70 % des entreprises ne connaissent pas les aides et services mobilisables dans ces situations, comme par exemple celles de l’Agefiph ou de Cap Emploi : « Je n’imaginais pas qu’un cancer puisse donner accès à ces aides, comme l’aménagement de poste ou l’ergonomie du poste de travail » regrette Laure.

Le retour à l’emploi peut être aussi mal vécu par le patient, qui sous-estime souvent les effets à distance de la maladie et du traitement. « Dans l’euphorie de la fin des traitements, de la guérison, je ne me suis pas posée de questions. Si j’avais conscience de mes problèmes de mémoire, de concentration, je n’ai pas envisagé une éventuelle reprise à mi-temps » se souvient Agnès.

Heureusement pour elle, son retour à l’emploi, accompagné par Entreprise et Cancer, une association qui œuvre pour favoriser le maintien et le retour au travail des personnes touchées par un cancer, a fait l’objet d’un temps partiel thérapeutique, d’un aménagement du poste de travail, d’une réorganisation de son travail, et de l’aide d’un tuteur dédié.

Une logique de protection qu’elle a eu du mal à accepter dans un premier temps avant de l’assimiler : « je suis partie du principe que nous étions dans une relation de confiance : mon entreprise n’avait jamais perdu contact avec moi. J’ai accepté de me laisser guider et de prendre cet accompagnement non pas comme une difficulté mais comme un soutien ».

Par Véronique Pierré