Comment ce programme a-t-il vu le jour ?
J’ai moi-même été confrontée à la difficulté du retour à l’emploi. En effet j’ai eu un cancer du sein agressif en 2014. Je j’ai finalement vaincu. Lorsque j’ai repris mon poste chez Sanofi, un médecin du travail, une assistante sociale et une professionnelle RH m’ont accompagné. Cependant, la maladie avait tellement bouleversé ma relation aux autres et au temps que cet accompagnement s’est avéré insuffisant. Selon l’Observatoire sociétal des cancers, une personne sur trois indique que la période après le cancer est plus difficile à vivre que les traitements eux-mêmes. Or, le retour à l’emploi participe au bon rétablissement des malades. Avec l’aide de l’équipe qui m’avait accompagnée, j’ai donc décidé de construire un programme dédié pour relever ce défi, que je voulais collectif. Il a officiellement été lancé en mai 2017, le jour de la signature de la charte d’engagement « Cancer et Emploi » de l’Institut national du cancer.
Quelles actions ont été mises en œuvre ?
Les personnes qui ont été touchées directement ou indirectement par le cancer ont besoin de savoir qu’elles ne sont pas les seules à vivre cette situation. Ce qui les aide, c’est de dialoguer, d’être éclairé sur leur état de confusion, de sortir des problématiques de douleur. Bref, de dédramatiser. Les aidants cherchent, quant à eux, à « déposer » leur charge mentale, qui est l’une des premières difficultés qu’ils évoquent lorsqu’ils accompagnent un malade du cancer. Chez Sanofi, nous avons donc créé des « antennes » sur nos différents sites en France, composées de collaborateurs volontaires parmi des médecins du travail, assistants sociaux, professionnels RH, salariés-aidants, salariés proches-aidants et managers. Leur point commun, c’est qu’ils ont tous vécu ou accompagné une situation de cancer. Leur mission est de comprendre ce dont ces personnes malades ont besoin et de trouver, avec elles, des solutions pour que leur retour à l’emploi soit facilité.
Quelles solutions peuvent par exemple être proposées ?
Cela peut être des jours de télétravail supplémentaires, un aménagement du temps de travail qui n’est pas un mi-temps thérapeutique et qui évolue en fonction de l’état de récupération du salarié… Car ce n’est pas parce que les malades ne suivent plus de traitement qu’ils sont guéris. Ils souffrent souvent de fatigue, d’anxiété, de problèmes de concentration… Aujourd’hui, nous sommes fiers de dénombrer 27 antennes en France, animées par 150 salariés volontaires. Ce sont des espaces qui sont sanctuarisés, au sein desquels les bénéficiaires peuvent parler en toute confiance, les « antennistes » étant soumis à un engament de confidentialité. Pour que ces derniers répondent aux besoins des patients comme des aidants, nous les avons formés à la dimension du rétablissement, à l’impact de la maladie ainsi qu’à la méthode d’écoute active et de questionnement appelée « counseling ». Jusqu’ici, nous avons ainsi accompagné plus de 260 personnes par ce biais.
Chaque année, sur 400 000 personnes touchées par un cancer, 160 000 sont en emploi.
Aider à se reconstruire au travail
Mieux comprendre ce qui conduit à la désinsertion professionnelle des malades du cancer
Depuis 2019, l’Agefiph soutient des travaux pour nourrir la réflexion sur les solutions à mettre en œuvre et expérimenter de nouvelles actions sur ce sujet. En 2021, elle a par exemple soutenu l’étude “Délicatesse” .Cette étude, menée par l’association Entreprise et Cancer auprès de 30 entreprises, porte sur « le retour au travail et la part de la qualité de la relation au travail ». Les conclusions de cette étude montrent qu’ au-delà des dispositifs existants – visite de pré-reprise, temps partiel thérapeutique, Reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé –, le collectif de travail et une relation de qualité (même pendant l’absence du salarié) sont essentiels. Il est important de ne pas rompre le lien et ce à chaque étape.
Adapter l’organisation du travail et son management
Le Nouvel Institut*, soutenue depuis 2019, par l’Agefiph, l’institut national cancer (INca), la fondation Malakoff-Humanis et le FIPHFP, mène une expérimentation auprès d’entreprises et organisations sur le sujet de l’organisation du travail et du management liés à la maladie. Le but est de travailler sur l’adaptation aux situations exceptionnelles de salariés dont la capacité de travail est affectée par la maladie. Cela se traduit par une incertitude, une variabilité d’un jour à l’autre ou dans une même journée de se rendre au travail.
*Le Nouvel Institut est la structure servante d’un projet d’innovation ouverte, débuté en 2019 et consacré à faire bouger les lignes du maintien en emploi à la loupe du cancer du sein, en élargissant la perspective du travail constructeur de santé.
Faciliter le retour le retour à l’emploi d’une personne malade
Depuis 2022, l’Agefiph soutient également l’expérimentation de la Chaire « compétences et vulnérabilités » de l’Université des patients-Sorbonne, de création d’un centre pilote de bilan de compétences « sensible à l’expérience du cancer ». Elle porte sur l’accompagnement de personnes confrontées à l’épreuve du cancer qui souhaitent réaliser un bilan de compétences, avec la conception d’outils, méthode, la formation de conseiller, et une implantation dans les services d’oncologie.
Il existe des outils innovants à disposition des malades encore actifs ou qui souhaitent le redevenir. Comme par exemple, l’application « Alex pour faire le lien » de WeCare@Work. Cette application permet d’informer et de renseigner les personnes touchées par un cancer, leur employeur, leur entourage, les soignants… Pour la fondatrice de la start-up, Anne-Sophie Tuszynski, les personnes malades développent de nouvelles compétences psycho-sociales telles que « l’agilité, la résilience, qui sont des clefs de pérennité pour une entreprise ». Autant d’atouts pour accompagner un retour au travail.
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