Origines

« La diversité des origines tient à la bonne volonté des dirigeants »

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Les recruteurs ont une place proéminente dans la politique d’inclusion de leur entreprise. Pourtant, ils avancent trop doucement sur l’épineux sujet de la diversité socioculturelle de leurs salariés. Rencontre avec Mariam Khattab, directrice générale du cabinet de recrutement et de conseil Mozaïk RH pour aborder ce sujet.

Quelle est la mission de Mozaïk RH ?

Depuis 13 ans, nous aidons les entreprises à mettre en place des stratégies de diversité et d’inclusion. Aujourd’hui, leurs processus de recrutement ne sont pas suffisamment inclusifs : ils laissent en marge une manne de talents qui sont issus des territoires moins favorisés ou qui ont des parcours universitaires.

C’est un gâchis d’autant plus choquant que des entreprises peinent à recruter dans certains secteurs. Notre rôle est de mettre ces profils en relation avec les entreprises mais aussi de sensibiliser les recruteurs aux biais inconscients qui se produisent durant les phases de sélection des candidats afin, in fine, de faire évoluer les pratiques et les mentalités.

La diversité est-elle devenue un sujet d’entreprise ?

Heureusement oui ! Il y a 13 ans, les entreprises étaient encore dans le déni : elles ne s’apercevaient pas qu’elles faisaient de la reproduction sociale lorsqu’elles recrutaient de nouveaux collaborateurs.

Depuis, plusieurs études concordantes ont éveillé les consciences et ont montré que les entreprises faisaient preuve de discrimination envers certains profils, qui avaient pourtant une grande valeur ajoutée. Par ailleurs, depuis « l’affaire George Floyd » de 2020, il y a un intérêt grandissant pour le sujet de l’origine sociale et culturelle. Pour autant, sur cette thématique, les mentalités n’évoluent pas aussi vite que pour celle de l’égalité homme-femme, par exemple.

Quels sont les freins qui subsistent en matière de diversité des origines ?

Contrairement à l’égalité homme-femme ou le handicap, les origines sociales et culturelles ne font pas l’objet d’obligations légales. Cela signifie que cette diversité tient uniquement à la bonne volonté des dirigeants.

Par ailleurs, les entreprises sont démunies quand elles veulent mesurer l’origine socio-culturelle de leurs salariés. Elles manquent d’outils. Certes, le fichage ethnique est interdit en France. Pour autant, les entreprises peuvent mesurer leur diversité sociale, par exemple en s’intéressant aux adresses postales de leurs collaborateurs et en regardant si elles sont rattachées à un quartier politique de la ville. C’est à partir d’indicateurs comme celui-ci qu’elles construiront des plans d’action.

La crise du Covid-19 a-t-elle accentué les inégalités sociales ?

En plus de déséquilibrer le marché de l’emploi, la crise a fragilisé en priorité les publics issus des territoires moins favorisés : certains jeunes n’ont pas pu valider leur diplôme, faute de stage, de contrat d’apprentissage ou de job étudiant.

Traditionnellement, les périodes de crise crispent les entreprises qui ont tendance à se replier sur leurs habitudes. À l’inverse des périodes de relance. Il est donc capital de considérer cette crise comme une opportunité : celle d’explorer de nouveaux viviers de candidats, de considérer certains profils avec un autre regard, d’élargir ses canaux de recrutement, de donner une meilleure place à l’évaluation des soft skills.   

La digitalisation des processus RH est-elle au service de la diversité ?

Oui, dans la mesure où cette digitalisation fait émerger de nouvelles pratiques de recrutement. Il est désormais possible d’évaluer des candidats sous un autre prisme que le CV, qui n’est pas objectif.

Les tests de personnalité en ligne permettent aux entreprises d’identifier le potentiel d’un candidat, quelle que soit son origine. Tester des candidats en situation réelle, imaginer des assessments sous la forme d’hackathon sont autant de pistes à explorer pour faire tomber les barrières et permettre aux profils qui n’ont pas les « bons » diplômes, mais les compétences adéquates, d’émerger. Il est également intéressant de questionner ses critères de recrutement pour les rendre moins discriminants.

Par Aurélie Tachot