Etat de santé

Maladie chronique : comment ne plus en faire un sujet tabou en entreprise

Aujourd'hui, de plus en plus de personnes souffrent de maladies chroniques. Même si ces dernières ont un caractère extraprofessionnel, les conditions de travail en entreprise peuvent accentuer la maladie. Le vieillissement de la population et le recul du départ à la retraite laissent à penser que les entreprises seront de plus en plus confrontées à cette situation et doivent prendre des mesures pour y faire face.

La maladie chronique en entreprise, son accompagnement et sa sensibilisation, sont des sujets qui doivent être abordés. À l’horizon 2025, un salarié sur quatre sera porteur d’une maladie chronique, selon l’ANACT. Dans un contexte d’allongement de la vie professionnelle, l’inclusion des personnes malades – un sujet timidement abordé par les entreprises – doit être davantage pris en compte pour prévenir le risque de désinsertion. Quels sont les leviers possibles pour les entreprises ?

Libérer la parole sur la maladie

Sur le sujet de la maladie, la parole se libère de plus en plus et ce, grâce à des prises de parole publiques comme il y a quelques semaines avec celle d’Arthur Sadoun, président du directoire du groupe Publicis, atteint d’un cancer de la gorge. La réforme des retraites, qui questionne l’adaptation du travail des seniors en fin de carrière, constitue également un terreau fertile pour faire de la maladie un sujet d’entreprise.

« C’est un moment clé pour les entreprises. Elles peuvent en profiter pour engager une réflexion sur le sujet et l’intégrer dans leur politique d’entreprise »

Aurélie Judlin,
Directrice Générale du cabinet de conseils Équilibres, spécialisé dans l’égalité au travail

En d’autres termes, l’accompagnement des salariés malades ne doit pas être du seul ressort des managers, souvent isolés, mais bien de toute l’entreprise.

Une assistance sociale et psychologique

C’est l’un des leviers les plus pragmatiques pour accompagner ses salariés malades. « L’entreprise peut non seulement proposer un dispositif d’accompagnement social pour aider ses collaborateurs dans leur démarches administratives liées aux allocations, à la déclaration RQTH…, mais aussi mettre en œuvre un soutien psychologique », explique Aurélie Judlin. Et pour cause : la maladie peut occasionner des problèmes incommodants pour le salarié encore en poste : une perte de concentration (due, par exemple, à un manque de sommeil), des douleurs physiques… impactant directement sa santé mentale. « Pour les entreprises, cette assistance constituera un coussin de sécurité et favorisera l’émergence d’un environnement de travail bienveillant », ajoute-t-elle.

Rendre flexible le temps de travail

Il existe aujourd’hui plusieurs dispositifs permettant à un salarié malade de continuer à travailler à son rythme. Parmi eux : le mi-temps thérapeutique, le temps partiel… Lorsque le poste le permet, « les entreprises peuvent également variabiliser le travail d’une personne malade sur plusieurs mois », explique Aurélie Judlin. C’est d’autant plus facile à mettre en œuvre lorsque le collaborateur travaille sur des projets au temps long. Identifier ses « métiers orphelins », c’est-à-dire ne faisant l’objet d’aucun binôme en interne, est également une bonne manière de se prémunir de problèmes d’organisation liés à l’absence d’un salarié malade. À chaque entreprise sa stratégie pour solutionner le problème : suppléer le salarié malade, recruter pour créer un binôme, autoriser le télétravail…

Un collectif de travail plus agile

La présence d’un collectif de travail soutenant est un facteur de maintien dans l’emploi d’une personne malade. Pour autant, cette maladie a forcément des impacts sur l’équipe, surtout lorsque se succèdent des périodes d’absence suivies de périodes de reprise du travail. « Cela suppose que le collectif échange régulièrement sur la répartition de la charge de travail », indique Aurélie Judlin. Il incombe au manager d’insuffler suffisamment d’agilité pour que les absences répétées d’un salarié malade ne soient pas subies par les autres membres de son équipe. Une posture qui peut nécessiter de suivre une formation sur l’agilité. « Même si c’est souvent vécu comme une contrainte, le fait de devoir s’ajuster aux aléas constitue une opportunité de travailler de manière plus efficace », précise-t-elle.

Aménager le poste de travail

Au-delà des horaires et de la charge de travail, il est possible de proposer des aménagements de postes aux personnes les plus malades. Cela peut passer par :

  • le changement d’un outil (un écran plus adapté)
  • une adaptation de l’éclairage (pour minimiser les maux de tête)
  • l’atténuation d’un bruit
  • l’installation d’un équipement (pour diminuer une contrainte posturale)

En plus du médecin du travail, les entreprises peuvent s’appuyer sur des structures comme Cap Emploi, le FIPHFP et l’Agefiph pour être accompagnées sur ce volet, notamment sur l’ergonomie des postes de travail. Pour rappel, lorsqu’aucune mesure d’aménagement ne suffit au maintien dans l’emploi de la personne malade, l’entreprise a l’obligation de lui proposer une solution de reclassement, sur un autre poste.

Anticiper l’évolution de carrière

L’avenir, notamment professionnel, des personnes souffrant d’ une maladie (chronique ou invalidante) est un sujet délicat. En effet, ces dernières ont mécaniquement plus de mal à se projeter qu’une personne en pleine forme. Résultat : le plus souvent, leur avenir professionnel s’obscurcit progressivement, parfois sur fond de non-dits.

« Même si c’est plus compliqué pour une personne malade d’évoluer sur des postes à responsabilité, il est important que le projet professionnel du salarié ne soit pas mis de côté. Mieux vaut le travailler avec réalité et pragmatisme »

Aurélie Judlin

Favoriser l’inclusion des personnes malades, c’est donc leur permettre d’évoluer dans leur poste – via des formations, des promotions de carrière… – et leur faire comprendre qu’elles ne sont pas « hors-jeu ».

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