Accompagner vers la parentalité les personnes en situation de handicap : telle est l’ambition du dispositif « Handi’Cap vers la maternité », qui a récemment valu à la maternité Saint-Vincent de Paul, située à Lille, d’être lauréate du « Challenge Inclusion » du Groupe APICIL. Les explications d’Émilie Bachary, responsable des services d’accès aux soins aux personnes en situation de handicap au sein du Groupement des hôpitaux de l’Institut Catholique de Lille.
Votre projet est lauréat de la 3e édition du « Challenge Inclusion ». Comment est-il né ?
Il est né suite à une réalité du terrain. Les équipes obstétriques de notre maternité rencontraient des difficultés lorsqu’elles devaient accompagner des mamans en situation de handicap, par exemple lors de leur accouchement ou même en soins du post-partum. Certains gestes n’étaient par exemple pas adaptés aux personnes souffrant d’un handicap moteur. Nos équipes se sont donc rapprochées de la Médecine physique et de réadaptation (MPR) de notre établissement. Il s’avère que ce service réfléchissait également de son côté à accompagner plus facilement ses patients dans la parentalité. En 2013, après plusieurs échanges et alors que j’étais encore chargée de mission, nous avons donc décidé de mettre en œuvre une action commune.
Comment avez-vous imaginé le dispositif « Handi’Cap vers la maternité » ?
Nous avons d’abord rencontré Béatrice Idiard-Chamois, une sage-femme qui travaille à l’Institut Montsouris à Paris et qui est elle-même en situation de handicap. C’est elle qui a sensibilisé notre service MPR et les équipes de la maternité aux difficultés que rencontraient les futurs parents en situation de handicap dans leurs parcours de soins. De retour de ce voyage à Paris, nous avons décidé de construire un projet en se basant sur notre force : la pluridisciplinarité de nos équipes, qui constituait un formidable terreau ! Nous avons ensuite rencontré plusieurs associations de personnes handicapées afin de mieux comprendre les différents handicaps (moteurs, sensoriels, intellectuels…) C’est à cette occasion que nos équipes, qui ont tout de suite adhéré au projet, ont été formées.
Comment s’est déroulée la mise en œuvre du projet ?
En 2014, nous avons lancé une phase de diagnostic qui a été riche en enseignements. Dans nos chambres, nous nous sommes aperçus que nos blocs sanitaires ne permettaient pas aux mamans en fauteuil roulant de donner le bain à leur bébé, par exemple. Nous avons ensuite cherché des financements – que nous avons obtenus auprès de banques et de mécènes privés – car nous avions besoin de matériel, par exemple d’une table d’accouchement gynécologique adaptée aux femmes en fauteuil roulant. Nous avons également travaillé avec des ergothérapeutes sur l’accessibilité de nos locaux, depuis l’entrée aux urgences obstétricales jusqu’au retour en chambre après l’accouchement. Puis, en 2016, nous avons officiellement lancé le dispositif « Handi’Cap vers la maternité ».
Concrètement, en quoi consiste ce dispositif ?
L’initiative « Handi’Cap vers la maternité » vise à accompagner les mamans en situation de handicap, mais aussi les papas ou tout autre parent, dans une logique globale de parentalité, dès le souhait de grossesse jusqu’au retour à la maison une fois l’enfant né. Concrètement, il nous a par exemple permis d’aménager nos salles pour recevoir des personnes à mobilité réduite, d’adapter nos supports d’information à chaque handicap (braille, vidéos en langue des signes, documents FALC…) Grâce à ce dispositif, nous avons par exemple permis à un papa myopathe, en fauteuil roulant, d’assister sa femme au bloc opératoire lors d’une césarienne. C’est une action qui n’aurait jamais pu se réaliser sans nos aménagements, il y a encore quelques années !
Quelle est la prochaine étape ?
Aujourd’hui, notre dispositif s’arrête aux portes de la maternité. Nous aimerions que notre action se poursuive en dehors de nos murs, lorsque les jeunes parents en situation de handicap regagnent leur domicile. Cela suppose par exemple de travailler plus étroitement avec les Services d’aides et d’accompagnement à la parentalité (SAAP) ainsi que les PMI, d’engager d’autres associations, par exemple de parents, qui pourraient prendre le relai en ville et agir sur la réassurance des jeunes parents handicapés au quotidien. Notre ambition est enfin de continuer à donner de la visibilité à ce dispositif afin que les mentalités évoluent sur le handicap mais aussi afin d’inciter d’autres structures à imaginer des initiatives en faveur de la parentalité.