Inclusion

Comment l’entreprise peut-elle accompagner ses salariés aidants ?

En France, entre 15 % et 20 % des salariés s’occuperaient quotidiennement d’un proche gravement malade ou handicapé. Un tiers des aidants sont contraints de démissionner pour prendre soin d’un proche fragilisé. Les entreprises doivent se mobiliser pour reconnaître leur rôle.

Salarié aidant : quelle définition ?

Selon la Confédération des organisations familiales de l’Union européenne (Coface), l’aidant est défini comme tel :

« La personne non professionnelle qui vient en aide, à titre principal, pour partie ou totalement, à une personne dépendante de son entourage, pour les activités de la vie quotidienne ».

Cette aide peut prendre plusieurs formes :

  • nursing
  • soins
  • accompagnement à l’éducation et à la vie sociale
  • démarches administratives
  • vigilance permanente
  • soutien psychologique
  • communication
  • activités domestiques …

Depuis la loi de l’Adaptation de la société au vieillissement en vigueur depuis 2016, les aidants familiaux disposent d’un statut juridique à part entière. Le Code de l’action sociale et de la famille considère comme aidant familial le/la conjoint(e), le/la concubin(e), la personne avec laquelle le bénéficiaire a conclu un PACS, l’ascendant, le descendant ou le collatéral jusqu’au 4e degré du bénéficiaire ou de l’autre membre du couple. 

Aidance : les chiffres clés à retenir

8,3 millions : c’est le nombre de personnes âgées de plus de 16 ans aidant de façon régulière une personne de leur entourage pour des raisons de santé, de perte d’autonomie ou en situation de handicap (DREES). Parmi elles : 4,3 millions aident une personne âgée de plus de 60 ans. En France, entre 15 et 20 % des salariés français seraient aidants. Ce chiffre pourrait atteindre les 25 % (un collaborateur sur quatre) d’ici 2030, selon l’AGIRC-ARRCO.

    Salarié aidant : quel impact sur la vie professionnelle ?

    Les salariés aidants sont souvent discrets sur leur rôle. Pourtant, cette « double vie » a des incidences fortes sur leur vie personnelle, mais aussi professionnelle au sein de l’entreprise. Parmi elles : le stress dû à la charge mentale, le manque de temps, l’absentéisme, une carrière freinée, l’isolement…

    En moyenne, un salarié aidant s’absente par exemple 16 jours par an pour s’occuper de son proche, selon une étude de BVA pour Novartis (2010). Par ailleurs, ils admettent que cette situation impacte fortement leur carrière puisque 43 % estiment que leur évolution a été freinée du fait de leur statut.  

    Le baromètre « Aider & Travailler 2023 », publié en septembre 2023 par Interfacia, lève le voile sur l’impact de l’aidance sur le travail :  

    • 34 % des aidants ont quitté leur travail du fait de leur rôle  
    • 48 % ne trouvent pas de nouvel emploi du fait de leur statut 
    • 68 % des aidants constatent que leur situation a un impact négatif sur leur travail 
    • 41 % indiquent un effet négatif sur la vie professionnelle de leur conjoint(e) 
    • 79 % des collègues et managers d’aidants voient l’organisation du travail en équipe impactée 

    Tout n’est pas noir pour autant. Toujours selon le baromètre d’Interfacia, 69 % des aidants disent avoir acquis de nouvelles compétences grâce à leur rôle, notamment en matière de gestion des priorités, d’organisation du temps, d’efficacité. Un avis corroboré par les collègues et les managers d’aidants. Ces derniers constatent, par ailleurs, un impact positif sur la cohésion d’équipe ainsi que sur leur propre organisation du travail.

    « L’aidance ne concerne pas seulement les salariés aidants, mais également les collègues et managers de ces derniers. Se saisir pleinement du sujet permet de dépasser le prisme de la contrainte. Cela permet de le traiter comme une opportunité organisationnelle et managériale favorable à la pérennité et au développement de l’entreprise.  »

    Gabrielle Guèye, fondatrice d’Interfacia

    Les dispositifs d’accompagnement des aidants prévus par la Loi 

    Puisqu’ils disposent d’un statut juridique, les aidants bénéficient d’aides à la fois financières et non-financières, dont :  

    • Le droit au répit. Cette aide de 500 euros par an est destinée aux aidants des personnes bénéficiaires de l’Allocation personnalisée d’autonomie ayant atteint leur plafond. Elle prend en charge l’accueil de jour ou de nuit, l’hébergement temporaire et le relais à domicile. 
    • Le congé du proche aidant. Ce congé permet au salarié de cesser son activité professionnelle pour s’occuper d’un proche. Sauf convention collective spécifique, la durée de ce congé est de 3 mois, pendant lesquels l’aidant perçoit l’allocation journalière du proche aidant (AJPA)  
    • Le congé de solidarité familiale. Ce congé est destiné aux aidants souhaitant accompagner l’un de leurs proches en phase avancée ou terminale d’une affection incurable. La durée de ce congé est de 3 mois, sauf dispositions contraires prévues par une convention collective. 
    • Le don de congés. Introduit par la loi n°2014-459 pour les salariés du privé puis par le décret n°2018-874 pour les agents publics civils, ce dispositif permet à un salarié de renoncer à une partie de ses jours de repos (congés, RTT, permissions…) pour en faire profiter un collègue. 

    Quel est le rôle de l’entreprise dans le soutien de ses salariés aidants ? 

    Pour faciliter le quotidien de leurs salariés aidants, les entreprises sensibilisées au sujet (La Banque Populaire Val de France, La Mutuelle Générale, BNP Paribas, Lyon Métropole Habitat, Apicil…) initient plusieurs actions. Parmi elles : 

    • Créer une cellule d’écoute afin de libérer la parole sur l’aidance et de sensibiliser les aidants à leurs droits. 
    • Bâtir un réseau d’aidants en interne, afin que ces derniers puissent partager leurs expériences et s’épauler.  
    • Opter pour une organisation du travail adaptée, avec la possibilité d’avoir des horaires « à la carte » et de recourir au temps partiel.  
    • Favoriser la mise en place du télétravail, y compris à 100 %, sur des laps de temps où l’aidant est très sollicité par son proche.  
    • Former les managers pour qu’ils fassent preuve d’une écoute attentive quant aux aidants, et pour qu’ils organisent différemment le temps de travail de leur équipe. 
    • Former l’ensemble des salariés d’entreprise, afin de briser les idées reçues sur l’aidance et d’installer une forme de bienveillance vis-à-vis des personnes impactées.   

    Par Aurélie Tachot