Egalité Professionnelle

Équité professionnelle : « Chacun se réalise avec ses ambitions »

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Avocate de formation et ancienne journaliste du magazine Elle, Anne-Cécile Sarfati a sorti en septembre dernier un livre sur l'équité professionnelle au sein d'un couple, Nous réussirons ensemble (édition Albin Michel) dans lequel elle dresse un bilan des bonnes pratiques et des pièges à éviter quand les deux parents veulent réussir ensemble. Interview.

Dans votre livre, vous évoquez la différence entre “équité” et “égalité” professionnelle ?

Dans un couple, l’égalité est strictement comptable, c’est-à-dire que l’on compte qui exécute telle tâche ménagère. Aujourd’hui, elles sont assumées majoritairement par les femmes (selon l’INSEE, 80 % des femmes s’impliquent quotidiennement dans leur foyer contre 36 % des hommes).

Sans forcément tenir des comptes précis, on peut se poser la question d’identifier ce que le père et la mère apportent chacun à l’autre parent et au reste de la famille. L’équité invite donc à comprendre ce qui arrange le couple précisément car il y a différentes façons de s’arranger. Pour gérer les carrières professionnelles et le reste, il faut savoir être souple dans un couple.

L’équité professionnelle est-elle possible dans un couple ?

Bien sûr que c’est possible ! Nous n’avons pas encore atteint l’égalité des revenus mais l’objectif est que chacun, dans le couple, puisse se réaliser avec ses propres ambitions, selon le moment dans la carrière ou l’âge des enfants.

Les entreprises peuvent-elles favoriser l’équité professionnelle au sein des couples ?

Les entreprises ont évidemment un rôle à jouer dans la prise en charge de la parentalité pour les salariés, en particulier pour les femmes. Le sujet est vaste mais elles peuvent déjà commencer par apporter un simple soutien logistique aux parents comme les crèches d’entreprise ou le soutien à la garde d’enfants. Pour aller plus loin, certaines choisissent de transformer profondément la culture de l’entreprise pour, par exemple, favoriser le congé paternité en l’allongeant ou en le payant à 100 %.

D’actualité ces derniers temps, le télétravail est un sujet à double tranchant car il peut très rapidement devenir une source d’exclusion pour les femmes. En effet, pour construire et entretenir son réseau, il faut être dans les bureaux et non à la maison ! Les entreprises doivent le soutenir mais de manière intelligente. Par exemple, le limiter à deux jours par semaine maximum ou encore payer des espaces de coworking aux salariés. L’idée n’est pas que les femmes retournent à la maison…

Les entreprises ont-elles évolué sur le sujet ?

Si dans les grands groupes, c’est à l’œuvre depuis plusieurs années, c’est encore difficile pour les plus petites entreprises. Dans la plupart des témoignages que j’ai récoltés, le seule critère de réussite qui ressort vraiment est celui de la souplesse dans le travail. L’équité professionnelle dans le couple fonctionne quand les deux parents peuvent faire preuve de flexibilité dans leurs horaires de travail.

Un patron de PME m’a dit : « Je laisse mes employées se gérer de manière autonome. Souvent, elles me le rendent au centuple. Certes, elles doivent assurer le rendez-vous de 16h chez le pédiatre mais elles s’y remettront probablement après ». Et la crise sanitaire continue de faire évoluer les mentalités.

En dehors des entreprises, où les couples peuvent-ils trouver de l’aide pour aller dans ce sens ?

Auprès de l’État qui doit encore s’améliorer en créant plus de places en crèche ou en adaptant les horaires des services publics. Il y a beaucoup de progrès à faire ! Dans le livre, Marie Becker, experte de l’égalité, soumet l’idée de remettre des cours d’arts ménagers à l’école pour apprendre à dégenrer les tâches. Ce serait une sacrée révolution !

D’autant plus quand on sait que toutes les inégalités proviennent de l’intime. L’État a une vraie responsabilité dans le changement des mentalités. Nous sommes encore dans un schéma hérité de l’histoire dans lequel l’homme ramène l’argent et la femme gère la maison et les enfants. Mais aujourd’hui, les femmes travaillent et ont de l’ambition !