Harcèlement sexuel au travail : le reconnaître pour le combattre

Le harcèlement sexuel étant un délit puni par la loi, les entreprises ont l’obligation de faire connaître à leurs salariés les règles et les autorités à prévenir en cas de faits sur le lieu de travail. Le plus souvent, elles ne s’arrêtent pas là et multiplient les initiatives pour prévenir et combattre ce « fléau silencieux ». Explications. 

Comment la loi définit-elle le harcèlement sexuel au travail ? 

La notion de « harcèlement sexuel » est relativement complexe à définir, d’une part parce qu’elle englobe une multitude de propos et de comportements qui peuvent, à leur tour, prendre des formes très diverses (propos, images, plaisanteries, SMS…), d’autre part parce qu’il existe deux types de harcèlement, selon l’article L1153-1 du Code du travail.  

  • Le harcèlement sexuel au travail est « le fait d’imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou comportements à connotation sexuelle ou sexiste qui portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant ou qui créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ».  
  • Est également assimilé au harcèlement sexuel « la pression grave, même non répétée, exercée dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l’auteur des faits ou au profit d’un tiers ». Notamment : l’abus d’autorité, caractérisé par des actes de chantage à la promotion ou au licenciement, des menaces… 

Contrairement aux idées reçues : un fait de harcèlement sexuel n’a donc pas toujours besoin d’être répété pour être considéré comme tel.  

Quelle différence entre le harcèlement sexuel et l’agissement sexiste ?  

La notion d’agissement sexiste est encore récente : elle est entrée dans le Code du travail par la loi du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l’emploi, qui vise à combattre le sexisme ordinaire auquel certain(e)s salarié(e)s sont confronté(e)s. L’article L1142-2-1 du Code du travail le définit comme « tout agissement lié au sexe d’une personne, ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant ». En d’autres termes, « il caractérise des comportements qui déconsidèrent l’individu en raison de son genre », reformule Virginie Tilhet Coartet, consultante en formation chez Cegos, spécialisée dans le développement du leadership. Généralement, « le harcèlement sexuel est le fait d’une personne tandis que l’agissement sexiste est plutôt l’apanage d’un système : cela touche à l’équipe, à la culture d’entreprise », ajoute-t-elle.  

Les agissements sexistes se manifestent de différentes manières, par exemple via :  

  • Des remarques et blagues sexistes. « Les petites phrases du quotidien, qui marquent une hiérarchie entre les sexes, comme par exemple « Ça va les poupées ? relève du sexisme dit bienveillant », illustre Virginie Tilhet Coartet.    
  • Des incivilités à raison du sexe. Le fait d’avoir recours à un langage avilissant, d’ignorer les demandes légitimes d’un(e) collègue, de lui couper la parole, de mettre en doute sans raison son jugement sur un sujet qui relève de sa compétence… 
  • Des considérations sexistes sur les charges familiales. Par exemple : souligner la non-disponibilité d’une salariée après 18h le soir et partir du principe qu’elle s’occupe de ses enfants et qu’elle n’est donc pas disponible pour son travail. 
  • Des remarques sur les codes sociaux du sexe. Notamment : critiquer le manque de virilité d’un homme ou l’absence de féminité d’une femme. Exemple de phrases relevant de l’agissement sexiste : « Il a une voix de gonzesses ».  
  • Des stéréotypes de genre. « Choisir une femme DRH en pensant qu’elle fera mieux le job, du fait de son sens de l’écoute et de sa sensibilité ou envoyer une femme commerciale au front pour tenter d’embarquer un client masculin », illustre Virginie Tilhet Coartet. 

Comment combattre et prévenir le harcèlement sexuel au travail ? 

Les entreprises ont un rôle central dans la lutte contre le harcèlement sexuel au travail. L’employeur a à la fois une obligation d’information, mais aussi de prévention. Face à des accusations de harcèlement sexuel, il est de son devoir de mener une enquête et de déclencher une procédure disciplinaire dans un délai de 2 mois pour sanctionner l’auteur des faits de harcèlement. Au quotidien, les entreprises peuvent initier plusieurs actions comme :

Sensibiliser l’ensemble des salariés de l’entreprise,

jusqu’aux membres du CODIR…, tous les individus pouvant être impactés ou témoins de faits relevant du harcèlement sexuel sur leur lieu de travail. « L’enjeu n’est pas uniquement de rappeler les conséquences juridiques de tels agissements mais d’agir sur les comportements des salariés », explique la consultante.

Former les collaborateurs,

afin que les faits de harcèlement sexuel soient, reconnus et isolés. L’enjeu de la formation est ici de donner des clés aux différents acteurs pour qu’ils osent raconter les faits, qu’ils sachent agir en tant que témoin, mais aussi « qu’ils surmontent le stade de sidération et à montrer leur désaccord », indique-t-elle.

Donner des clés aux managers,

pour qu’ils apprennent à écouter les deux parties dans une situation de harcèlement sexuel, avec objectivité. Une formation aux biais cognitifs peut, par exemple, leur permettre de se détacher de leurs propres croyances sur le sujet, donc de mieux aider les membres de son équipe.

Organiser des ateliers de mise en situation et de partage entre pairs,

pour que les salariés vivent – pour de faux évidemment – des situations relevant du harcèlement sexuel au travail et sachent s’y préparer et réagir. L’occasion « d’apprendre à faire confiance à ses ressentis sur ce qui est acceptable et ce qui ne l’est pas », précise Virginie Tilhet Coartet.

Multiplier les dispositifs,

tels que les règlements intérieurs, la signature de chartes relatives à l’égalité professionnelle, les prises de paroles des dirigeants, la rédaction de plaquettes de communication… « Pour donner une véritable impulsion au sujet, il faut que ces actions s’inscrivent dans la durée, l’entreprise accueillant en permanence de nouveaux salariés ». 

Rendre visibles les tiers de confiance,

dont les professionnels RH, les membres du Comité social et économique (CSE, qui dispose d’un droit d’alerte), les délégués du personnel, les médecins du travail, les références harcèlement sexuel… dont le rôle est d’accompagner les salariés sur le sujet de prévention des risques psycho-sociaux, donc de harcèlement sexuel.

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