Se reconstruire après un cancer du sein

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En2022, Carine Vincent a publié sur LinkedIn une photo d’elle. Torse nu, sans seins. Dans le long texte qui accompagne cette photo, elle raconte son cancer du sein, sa double mastectomie et sa volonté d’une « reconstruction à plat à fini esthétique ». Elle aborde également sa situation professionnelle. Elle a accepté de répondre à nos questions.

Carine milite pour reconnaître la « reconstruction à plat » suite au cancer du sein, comme une des alternatives possibles après l’ablation d’un ou de deux seins, au même titre que les options de reconstruction d’un volume mammaire. Découvrez son témoignage.

Pourquoi avez-vous écrit ce texte ?

C’est un texte issu d’une réflexion personnelle que j’ai eu, un samedi soir, chez moi. J’ai écrit ce texte intuitivement, comme un état de mes pensées à cet instant, et j’ai publié dans la foulée. J’avais un petit réseau LinkedIn, et je n’aurais jamais imaginé que mon post suscite autant de réactions (plus de 8 millions de vues à ce jour). Le dimanche matin, le nombre de likes et de partages m’ont surpris. Ensuite, la machine s’emballe : je reçois des milliers de demandes de mise en contact, des milliers de commentaires, et mes boîtes mail saturent.… Je n’ai pu ni tout lire, ni répondre aux milliers de sollicitations. Parmi les messages lus, j’ai remarqué que les interprétations de mon texte pouvaient être multiples. Certains ont pensé que c’était une demande de travail. En fait, il n’y avait pas d’intention particulière dans cette écriture intuitive, si ce n’est mon envie de partager mes mots et de les offrir à chaque personne qui serait disposée à les lire.

Depuis que je n’ai plus de seins j’entends battre mon cœur encore plus fort et plus près et je ne peux donc me résoudre à ne pas l’écouter !

Post LinkedIn de Carine Vincent

Justement, vous évoquez votre activité professionnelle dans ce post. Comment gère-t-on la maladie lorsqu’on est indépendant ?

J’ai créé ma société Kindunos Management en 2008. J’y réalisais des Etudes de Sûreté et de Sécurité Publiques (ESSP) pour de gros projets d’urbanisme et de construction en France. Même si je réalisais parfois certaines études en groupement, je travaillais seule dans ma société avec une approche globale de la sécurité et c’est cette particularité qualitative que mes clients venaient, je pense, chercher. En un mot, je n’étais pas remplaçable dans mon entreprise. Mais cette question est plus vaste que la seule maladie : comment gère-t-on aussi son activité professionnelle lorsqu’on est en profession libérale et enceinte ? La protection sociale des indépendants est tellement différente de celle des salariés. Il faut avoir pris une prévoyance pour pouvoir prétendre toucher des indemnités. Avec une double peine puisque, par exception aux salariés, nous ne bénéficions pas des exonérations d’impôt sur le revenu pour ALD de plus de 6 mois et que ces indemnités sont aussi soumises aux cotisations URSSAF).

Mais lorsqu’on ne peut plus travailler, on risque à la fois de perdre ses clients et de ne plus pouvoir payer ses charges irréductibles de société. Trois mois après la naissance de mon fils en 2013, on m’a découvert une maladie auto-immune. Depuis, je vis avec ces difficultés de santé. Les indépendants travaillent jusqu’à ce qu’ils ne puissent plus travailler.

C’est le cas aujourd’hui ?

Oui. Mon cancer du sein a été diagnostiqué en 2018. Il est donc venu s’ajouté à un état de santé déjà fragilisé par ma maladie auto-immune. Je suis gérante d’entreprise, et je n’ai jamais voulu faire porter à mes clients mon état de santé. Lorsque j’ai appris ma maladie, j’avais 2 gros contrats en cours.  Je savais que j’allais devoir faire face à de nombreux obstacles. Et je risquais aussi de ne pas pouvoir répondre aux engagements pris envers mes clients. Je les ai appelés, j’ai dit stop très vite. Ce sont des clients géniaux, qui ont été très présents, très soutenants. Ils ont pris de mes nouvelles. Mais j’ai quand même dû prendre la décision de transmettre mes dossiers à des concurrents.

Aujourd’hui, je m’ancre dans le présent. La maladie occupe encore une grande place et m’empêche de m’investir professionnellement. Dans mon parcours de patiente, j’ai dû mettre beaucoup d’énergie pour convaincre mon équipe soignante d’accepter de me “reconstruire à plat”, sans volume mammaire. Il m’a fallu 9 mois et même un passage avec des faux seins pour enfin obtenir le respect de mes choix pour mon corps. Désormais, je peux dire que j’ai appris à m’accepter sans seins et même à développer un sentiment de liberté qui me guide dans mon engagement pour que chaque femme puisse enfin avoir la possibilité de choisir pour elle-même et que la “reconstruction à plat à fini esthétique”, comme je l’ai appelée, lui soit systématiquement présentée comme une des alternatives possibles après l’ablation d’un ou de deux seins.

 

Par Véronique Pierré


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