Recrutement : les biais cognitifs affectent notre jugement

Le recrutement d'une personne n'est pas basé uniquement sur les compétences intrinsèques du candidat. D'autres critères rentrent en compte comme par exemple le "feeling" du recruteur. En effet, le recruteur va avoir un jugement biaisé selon son expérience, sa personnalité, ses émotions, son ressenti de la personne. A travers cet article, l'objectif est de comprendre ces biais cognitifs qui affectent notre jugement dans le recrutement, de les identifier et mettre en place des méthodes pour les contrer.

C’est un fait : la plupart de nos décisions sont prises sous l’influence de biais cognitifs. Au cours du processus de recrutement, les recruteurs y sont même directement exposés. Souvent inconscients, ces biais s’invitent de manière sournoise dans leur évaluation d’un candidat. À défaut de pouvoir les éviter, comment réussir à les minimiser ? Tour d’horizon des principales tactiques pour déjouer ces biais cognitifs dans le recrutement.

Identifier les biais cognitifs liés au recrutement

Les biais cognitifs sont des schémas de pensée trompeurs et faussement logiques. En d’autres termes : des raccourcis de notre cerveau susceptibles de nous induire en erreur. S’ils s’avèrent utiles lorsqu’un individu est en « pilotage automatique » face à une quantité de tâches à faire, ils peuvent causer des dégâts lorsqu’ils altèrent notre jugement et faussent notre prise de décision. Nul n’est véritablement exempt de ces biais, puisqu’ils sont, la plupart du temps, inconscients. En matière de recrutement, il est donc important de savoir les reconnaître, pour mieux les combattre. Développer sa pensée critique – c’est-à-dire porter un regard attentif sur ses pensées – permet également de s’en prémunir.

Multiplier les entretiens de recrutement

Pour minimiser la place des biais cognitifs durant un processus de recrutement, il est important de faire intervenir plusieurs interlocuteurs aux profils différents. Les combinaisons « responsable RH + manager » et « manager + opérationnel » s’avèrent souvent payantes. Ce qui compte, c’est que le premier n’ait pas le même schéma de pensée que le second. Impliquer deux voire trois personnes au cours de l’entretien permet notamment de limiter la place de l’arbitraire, donc de minimiser le risque de discriminer. Cela suppose toutefois que la première personne à s’entretenir avec le candidat ne partage pas son opinion avec la suivante, au risque d’influencer son jugement.

Opter pour la méthode d’entretien « STAR »

« STAR » pour : « Situations, tâches, action, résultat ». Très connue des recruteurs, « cette méthode de conduite d’entretien permet aux candidats de s’exprimer sur des situations réelles, mesurables et issues de leur passé professionnel », explique Charlotte Corchète, chargée de mission au sein de l’association À compétence Égale et docteure en sociologie. La grille d’entretien peut comprendre les questions suivantes : « Quelle a été votre dernière réalisation en équipe ? Quel était votre rôle, votre objectif et les résultats obtenus ? » Avec cette approche à la fois factuelle et objective, le recruteur minimise le risque de réaliser des interprétations fausses ou hâtives.

Inclure des mises en situation

Pour évaluer avec objectivité les aptitudes d’un candidat (la prise de décision, le travail en équipe, la résolution de conflits…), certaines entreprises plébiscitent des mises en situation individuelles ou collectives. À juste titre puisque ces exercices permettent de juger sans discriminer les comportements d’un individu face à des situations données. Le cabinet de conseil Accenture opte par exemple pour un serious game tandis que le groupe hôtelier MGM Resorts International s’appuie sur la réalité virtuelle pour immerger leurs potentielles recrues dans leur futur poste. Dans les deux cas, l’ambition est la même : objectiver le recrutement avec des faits, en testant les candidats « in situ ».

Se former, encore et toujours

Pour déjouer le maximum de biais cognitifs au cours d’un recrutement, il est enfin conseillé de s’abreuver régulièrement de contenus pour rester sensibilisé. Pour être efficaces, les sessions de formation doivent être récurrentes. Les managers, dont le recrutement n’est pas le premier métier, ne doivent pas être oubliés : ils sont, par exemple, très confrontés au « biais de cadrage » (voir encadré). Les formations doivent porter sur le cadre légal, mais aussi sur les types d’entretien, les techniques de questionnements, l’évaluation… « Échanger avec ses pairs peut enfin permettre aux recruteurs de prendre de la hauteur sur leurs propres pratiques », conclut Charlotte Corchète.

Les cinq biais cognitifs les plus répandus en recrutement

  • L’effet de récence : on se souvient plus facilement des dernières informations reçues, donc du dernier candidat rencontré, auquel on accorde sa préférence.
  • L’effet de primauté : c’est le biais de la première impression (une poignée de main franche renvoie l’image d’un candidat déterminé, par exemple.)
  • Le biais de projection : lorsqu’un recruteur favorise un candidat qui lui ressemble (qui a les mêmes valeurs, qui est issu de la même école…)
  • Le biais de stéréotype : tirer des conclusions hâtives sur la base d’informations insuffisantes (un candidat qui a fait une grande école sera forcément meilleur qu’un autre, par exemple.)
  • Le biais de cadrage : ça consiste à se rassurer dans ses propres préjugés, donc à influencer et orienter les futures réponses du candidat.

Vous souhaitez en savoir plus sur le sujet ?

Stéphanie Lecerf, présidente de l’association A compétence égale, a créé un guide pour aider les DRH à recruter sans discriminer. Découvrez son interview et ses bonnes pratiques.

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