Handicap

Presque : le handicap sans tabou !

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C’est un film sur l’amitié et sur le handicap, où l’un des deux héros n’est pas un acteur. Il parle avec une élocution particulière, son corps est dégingandé, il ne mange pas proprement. Lui, c’est Alexandre Jollien (Igor), écrivain et philosophe, qui s’est inspiré de son histoire pour co écrire ce film. Celle d’un homme qui, suite à une naissance difficile, est infirme moteur cérébral. L’autre, c’est Bernard Campan, un des Inconnus, dont le personnage, Louis, est croque-mort de son métier. Amis dans la vie, ces deux-là ont décidé de raconter la différence, la force des idées reçues, le combat qu’il faut mener jour après jour pour lutter contre elles.

Tout au long du film, Igor sera le moteur d’une amitié naissante, jusqu’à ce que Louis accepte enfin d’y souscrire. Mais peut-être plus encore que la question du handicap, très présente tout au long du film parce Alexandre Jollien est réellement handicapé, plus encore que le regard des autres porté sur lui – et certaines répliques, certains regards, certaines réactions sonnent tellement vrai qu’elles sont forcément vécues – ce film montre aussi un rapport à la vie, aux autres.

Dans le film comme dans la vie, Igor / Alexandre est porté par ses « amis de papier » les philosophes, dont l’étude quotidienne a transformé sa vie, et l’aide « considérer chaque difficulté comme un joyeux combat », comme il le dit à propos de son livre Le métier d’homme. Il est gai, naturel, sincère, et touchant lorsqu’il fait état de ses interrogations avec spontanéité, sans que jamais on ait envie de rire ou de se moquer.

Très rapidement, il nous entraine dans la pertinence de son questionnement, et si l’on n’oublie jamais son handicap, il est peu à peu mis de côté : ce n’est pas le seul sujet. Quant à Louis, englué dans un métier qui, aux yeux des autres, suscite lui aussi questions et étonnements, il se laisse peu à peu séduire par la vitalité d’Igor, retrouvant, grâce à cette relation naissante, un peu de l’énergie et de la joie de vivre qu’il semble avoir perdues il y a longtemps.

La force de ce film réside sans doute en partie dans cette mise en parallèle qui, l’air de rien, suscite la réflexion. Comment accepter la différence sans se laisser envahir par elle ? Grâce à une vie spirituelle intense, Igor possède une force vitale qui semble manquer à Louis.

C’est dans ce retournement insidieux, montrant Igor tellement vivant, et Louis tellement éteint, que la question du handicap réapparait, sous une autre forme : le rapport entre celui-ci et la spiritualité.

Autre élément à mettre au crédit de cette fiction ancrée dans la réalité :  Igor ne cache rien de la honte qu’il éprouve à propos de son corps, de l’absence de sexualité – et en filigrane du rôle important que peuvent jouer les travailleurs sexuels.

Sans oublier son questionnement philosophique sur la mort – qui ne semble pas effleurer Louis, l’homme de la profession. Par toutes les questions évoquées, Presque dépasse le seul sujet du handicap pour nous emmener dans une réflexion philosophique qui nous accompagnera longtemps.

Presque , Un film de et avec Bernard Campan et Alexandre Jollien, Tiphaine Daviot, Julie-Anne Roth, La Castou, Marie Benati, et Marilyne Canto. Durée :  1 h 32.  En salles depuis le 26 janvier 2022

Par Véronique Pierré